Assemblée générale 2015 - argumentaire

LA LAICITE ET LA RELIGION DANS LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DE L’ADOLESCENT

Le choc collectif qu’a connu notre pays avec les attentats meurtriers du 7, 8 et 9 janvier 2015 ont amené l’AFMJF à vouloir partager une réflexion sur des comportements sectaires et des mises en danger extrêmes sur la complexité du phénomène, sur les causes de ce mal être et sur ce qui conduit des jeunes à se réfugier dans une pratique religieuse radicale.

Comment expliquer que ces jeunes, qui ont vécu en France, qui sont appelés à partager nos valeurs républicaines fondées sur la liberté, l’égalité et la fraternité puissent se lancer dans de telles dérives ?
C’est là que l’on peut s’interroger sur leur perception de l’égalité et de la fraternité ou sur ce qu’ils ont vécu comme une inégalité ou une discrimination. Sommes nous vraiment certains que ces jeunes, qui cumulent les difficultés sociales, en échec scolaire, sans véritable espoir d’intégration, souvent stigmatisés du fait de leur origine, régulièrement contrôlés par la police et de fait trop souvent impliqués dans toutes sortes de trafics plus ou moins organisés se considèrent comme appartenant à la société française ? S’ils n’ont pas manifesté massivement le 11 janvier, s’ils n’ont pas respecté la minute de silence à la mémoire des victimes des attentats, faut-il pour autant en déduire qu’ils sont favorables aux actions terroristes et prêts à partir pour le djihad ? Et comment les filles peuvent elles être attirées par un modèle de société qui nie leur liberté et le principe d’égalité entre les hommes et les femmes qui est fondamental dans nos sociétés occidentales
Face à ces attentats qui ont provoqué un choc et une émotion intense chez nos concitoyens et ont mis en évidence l’existence d’une jeunesse prête à suivre ces appels au djihad, trois réactions sont possibles :

- soit une réaction forte et immédiate de l’Etat axée sur la détection et la répression. Cette option est légitime à condition qu’elle ne s’accompagne pas de réponses inadaptées et excessives, par exemple quand un enfant de 8 ans est poursuivi pour apologie du terrorisme là où une évaluation de la situation familiale aurait sûrement été plus pertinente.
- soit une banalisation du phénomène au nom d’une conception généraliste de la crise d’adolescence et de la conviction qu’il s’agit là de prises de risque, certes préoccupantes, d’une jeunesse en difficulté.
- soit une négation de l’importance du phénomène dans la mesure où il reste exceptionnel ou que les situations portées à la connaissance des juges restent très marginales.

Afin d’éviter cet écueil et se garder de tout amalgame entre des réalités différentes - s’agit il d’une provocation d’enfant rebelle, d’un phénomène d’emprise sectaire, d’une conduite à risque sous couvert d’engagement religieux, d’un projet de départ pour le djihad pour un accès direct au paradis d’Allah, ou tout cela à la fois -, nous avons fait le choix de vous proposer une réflexion à partir d’analyses de spécialistes des questions de radicalisation, mais aussi de regards croisés sur les réponses qui peuvent être apportées tant du côté des professionnels que de la société civile.

Nous avons émis l’hypothèse que la laïcité peut être un garde fou contre une radicalisation religieuse, non pour interdire et combattre la pratique et la croyance religieuse mais comme espace de liberté dans l’exercice d’une religion. Nous avons aussi émis l’hypothèse que ces comportements suicidaires si éloignés d’une réflexion rationnelle pouvaient participer d’une quête identitaire d’une partie de cette jeunesse.

Ces pistes de réflexion ne sont pas limitatives et ces journées des 5 et 6 juin prochains permettront d’enrichir notre connaissance.

Nous affirmons que l’approche éducative au pénal comme en assistance éducative peut répondre aux besoins de ces jeunes en très grand danger. Un espace d’innovation doit sûrement pour ce faire être ouvert aux services éducatifs avec le recours d’apports nouveaux recherchés par exemple auprès de sociologues ou d’ethnologues.
Plus que jamais, il nous faut nourrir une réflexion qui fonde notre intervention. Il appartient ainsi aux professionnels de l’enfance( services éducatifs, psychologues, juges, substituts des mineurs… ) de rechercher à la lumière des travaux et connaissances sur le phénomène de la radicalisation, de nouvelles approches innovantes pour la prise en charge de ces jeunes en dérive.

Face à des enjeux aussi importants, la réforme de l’ordonnance de 1945 donnant la priorité à l’action éducative s’impose plus que jamais ; il s’agit aussi de solliciter la société civile pour lutter contre les discriminations et la relégation d’une partie de notre jeunesse et ouvrir des perspectives nouvelles.

Programme de l’assemblée générale :