“La sanction fait partie de l’éducation” - janvier 2000

La Garde des Sceaux à l’assemblée générale du 29 janvier 2000 : “La sanction fait partie de l’éducation”

Extrait de la Lettre de Mélampous - mars 2000

Madame la Garde des Sceaux a honoré notre assemblée générale de sa présence, accompagnée par Monsieur DE GOUTTES, directeur des services judiciaires et par Madame PERDRIOLLE, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

Madame GUIGOU a insisté sur le triptyque prévention-répression-réinsertion. Si la législation française en matière de mineurs délinquants fait clairement le choix de l’éducatif comme intervention prioritaire, la sanction fait également partie de l’éducation. S’il faut prendre en compte l’urgence sociale dans certains quartiers où la situation est devenue insupportable, il convient néanmoins de récuser l’idée de mettre simplement à l’écart les jeunes difficiles.

Les C.E.R.

Madame GUIGOU a insisté sur la diversification des réponses mises en oeuvre par la PJJ. Vingt-cinq centres éducatifs renforcés existent, six sont en ouverture, treize en projet, pour lesquels les points les plus sensibles sont les procédures d’admission et le fonctionnement par sessions.

Les C.P.I.

Les centres de placement immédiat sont au nombre de 15 (2 en création complète, treize par transformation de foyers existants). Chaque CPI demande au moins 19 professionnels pour fonctionner avec au minimum la présence d’un veilleur et d’un éducateur la nuit. Les activités de jour sont complètement intégrées au centre et non plus déléguées à des structures extérieures.

La sécurité à l’école

La ministre estime que le ministère de l’éducation nationale a compris qu’il devait faire un effort interne pour la sécurité au sein des établissements scolaires. C’est désormais à l’intérieur des établissements que les problèmes doivent être pris en charge. En un an et demi, Madame GUIGOU estime que le débat a considérablement évolué, qu’il ne s’agit plus maintenant de "se débarrasser du problème sur le ministère de la justice" et que les difficultés doivent se traiter en partenariat.

Le recrutement

Concernant la PJJ, Madame GUIGOU a insisté sur l’effort sans précédent de recrutement de personnel (425 éducateurs, 600 emplois jeunes, 166 éducateurs reçus au concours exceptionnel en 1999 avec une entrée en fonction en mars 2000, un concours exceptionnel en mars pour une entrée en fonction en janvier 2001. Entre janvier 2000 et janvier 2001 la Garde des Sceaux annonce l’arrivée de 500 éducateurs et 345 autres professionnels de la PJJ.

Concernant les magistrats, 16 postes de juge des enfants et 10 postes de substitut ont été créés au niveau budgétaire.

La responsabilité des magistrats

Sur la responsabilité des magistrats, la ministre a précisé recevoir 4.000 à 4.500 lettres
par mois de justiciables mécontents, alors que ce chiffre était d’environ 2.000 lettres par mois à son arrivée à la Chancellerie. Elle considère que ce phénomène doit être pris en compte, que l’on n’a jamais intérêt à occulter les questions des gens. Selon elle, la commission nationale des plaintes des justiciables clarifiera la procédure, fera le tri entre les plaintes recevables et celles qui ne le sont pas, permettra aux justiciables de se rendre compte que l’on ne peut pas faire un appel "administratif" d’une décision de justice.

Enfin, elle a annoncé un séminaire sur la délinquance juvénile qui aura lieu pendant la présidence française de l’Union européenne.


L’intervention de Mme Sylvie PERDRIOLLE

L’accueil d’urgence

La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a expliqué avoir demandé aux directions départementales d’effectuer une réel travail sur l’accueil d’urgence. Elle a cité l’exemple de l’Essonne où un point hebdomadaire des places disponibles est effectué par la DDPJJ.

L’accent est mis également sur la pédagogie de l’urgence avec une session sur ce sujet à Vaucresson. Chaque structure d’accueil doit élaborer un projet de jour pour les mineurs accueillis en hébergement. La prise en charge doit être prévue 24 heures sur 24 par les équipes d’éducateurs qui se rendent compte que cela est indispensable pour éviter les réactions violentes des jeunes. La PJJ a dû passer d’une époque où les prises en charge de jour des jeunes étaient assurées par des dispositifs traditionnels de formation (par exemple), à la situation actuelle où les foyers doivent se remobiliser pour organiser cette prise en charge en interne, les structures extérieures s’avérant insuffisantes face aux mineurs concernés.

La violence en hébergement

Mme PERDRIOLLE estime que la question de la violence doit être forcément travaillée, qu’il n’y a pas (plus ?) d’hébergement sans violence, que la violence n’est pas une anomalie, un accident, qu’elle doit faire partie des axes du projet pédagogique, qu’elle doit être pleinement prise en compte par les équipes afin qu’elles se dotent de l’organisation interne pour y faire face sans toujours déléguer à d’autres (magistrats, police).

Les concours exceptionnels

Les concours exceptionnels apportent des professionnels ayant une extrême diversité de parcours (ouvriers, animateurs sportifs…) et cela est positif.

Les agents de justice

Concernant les agents de justice, le profil de poste communiqué par la Chancellerie n’est pas intangible et d’autres propositions pourront être examinées par la direction de la PJJ si elles correspondent à un projet construit et adapté aux besoins locaux.

Les placements sans audience

Mme PERDRIOLLE a attiré l’attention des magistrats sur le problème posé par des juges des enfants qui placent un mineur dans un foyer ou un CER sans audience en présence de la structure désignée. Cette pratique serait de plus en plus courante et elle poserait de grosses difficultés aux structures pour remplir ensuite leur mission sur des bases solides. Un débat s’en est suivi, à prolonger….

L’accès au dossier

Enfin, le problème de la communication et de l’accès direct au dossier d’assistance éducative va être traité par la direction de la PJJ, eu égard à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a condamné la Grande Bretagne en cette matière… et qui condamnerait certainement la France si un cas français lui était soumis. Les expériences locales sont les bienvenues…