Le droit des mineurs en Italie - juin 2002

#TDM

Rencontre avec des magistrats italiens.

Depuis 1999, l’A.F.M.J.F. a entrepris d’organiser des rencontres entre magistrats de l’enfance français et d’autres pays d’Europe. Ces rencontres sont l’occasion de mieux se comprendre et d’ouvrir la réflexion sur les pratiques et les évolutions législatives. La première a eu lieu avec l’association des magistrats belges à Lille en 1999, la deuxième avec les magistrats espagnols et portugais à Bayonne en 2000 et la dernière date du 20 octobre 2001 à Lyon avec l’Association Italienne des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille, présidée par Giulia Di Marco.

La journée a débuté par une présentation de l’association italienne, de sa philosophie, de son histoire et de son rôle depuis sa création. Mme Di Marco a insisté sur le rôle de l’association dans la promotion de réformes législatives et sociales et son objectif affiché d’homogénéisation de la jurisprudence. L’association italienne est forte de 900 adhérents, jouit d’une totale autonomie financière et publie, depuis 1990, la revue Minori Justicia, qui est devenue une référence nationale en matière de réflexion sur la justice des mineurs et leur prise en charge. Mme Di Marco a fait état des principales difficultés rencontrées, à savoir la nécessité de prendre en compte le fonctionnement d’une administration sur laquelle elle n’a aucune prise et la difficulté de demeurer un interlocuteur de poids face au gouvernement et au parlement.

#1#Des particularités régionales.

De l’aveu de l’ensemble des magistrats italiens, l’organisation politique de l’Italie, et avec elle le système de protection de l’enfance, est une agrégation de particularités régionales : les régions disposent d’une grande autonomie politique et législative, et le décret du 24 juillet 1977 a transféré les fonctions d’aide sociale, de prévention et d’exécution des mesures judiciaires aux communes.

Au niveau central, la protection de l’enfance relève du Ministère de la Solidarité sociale, le traitement de la délinquance des mineurs relève du Ministère de la Justice, la prévention de la criminalité organisée et de la toxicomanie relève du Ministère de l’Intérieur, et la protection maternelle et infantile relève du Ministère de la Santé.

Au niveau local, les situations territoriales sont diversifiées : les régions définissent une politique de protection qu’elles financent, les provinces coordonnent les activités des services et la formation, les communes exercent les interventions.

Les actions de prévention spécialisée se sont développées depuis la création du Ministère de la Solidarité sociale et concernent surtout les grandes villes qui réalisent des “projets jeunes”. Chacune des 20 régions a sa politique de prévention directe (actions en faveur des mineurs tels que la création de foyers et l’organisation d’activités et d’aide éducative à domicile) ou indirecte (soutien au milieu familial notamment par la création de consultations familiales, coopération entre services sociaux et personnel scolaire). Les collectivités territoriales sous-traitent de plus en plus fréquemment l’exercice des mesures à des organismes privés. Cette pratique permet de fournir la flexibilité nécessaire à l’entreprise d’actions novatrices et ciblées sur des zones difficiles et de limiter les dépenses publiques. L’activité bénévole, tradition séculaire en Italie, est fortement soutenue, en partie pour les mêmes raisons.

Franco Occhiogrosso, président du tribunal pour enfants de Bari, a souligné les difficultés que présente une telle organisation : des actions innovantes et de larges programmes de prévention ont été organisés dans les régions plus riches du nord, alors que les régions du sud n’ont pas réellement mis en œuvre la nouvelle répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, créant un manque important d’accompagnement social, dans lequel les organisations mafieuses se sont engouffrées. La détérioration de la situation dans le sud et les difficultés des services éducatifs, peu au fait des nouvelles théories fondées sur l’efficacité rééducative, à remplir leur mission, amènent l’opinion publique à demander un abaissement de l’âge de l’imputabilité pénale.

Sylvie Perdriolle, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, a rappelé les difficultés d’articulation en France, entre les compétences décentralisées et celles qui relèvent de l’Etat. Elle a cité l’exemple de l’Angleterre, qui a imposé la coordination aux différentes institutions. Les situations italienne, britannique et française et la volonté partagée d’améliorer la coordination peuvent ainsi être mises en perspective avec le consensus européen sur la nécessité de coordonner les politiques de prévention et les politiques de justice.

#2#Le partage des compétences judiciaires.

La compétence judiciaire en matière de mineurs est répartie entre plusieurs tribunaux : les tribunaux des mineurs sont composés de deux magistrats professionnels et de deux juges honoraires, experts choisis pour leurs connaissance en matière d’enfance et d’adolescence. Ils ont une compétence civile en matière de filiation, d’autorité parentale et de déclaration d’abandon, une compétence dite rééducative qui leur permet de mandater les services sociaux pour exercer des mesures d’accompagnement et une compétence pénale exclusive pour les mineurs. Toutefois les questions liées à la consommation et au trafic de stupéfiants relèvent du préfet, même lorsqu’il s’agit de mineurs.

A côté des tribunaux des mineurs, le juge tutélaire rend exécutoire les placements familiaux volontaires, rend compte au tribunal des situations d’abandon, contrôle l’exécution des décisions de justice en matière d’autorité parentale et dirige les tutelles. Enfin, le tribunal de grande instance est compétent en matière de séparation et de divorce.

Cet éclatement des compétences autour de l’enfant n’est pas sans poser problème : selon Franco Occhiogrosso, il remet en cause le principe de spécialisation en matière de mineurs, d’autant que la formation des magistrats spécialisés n’est pas encore systématique et obligatoire. Il peut également aboutir, ainsi que l’a souligné Roberto Ianiello, à des décisions incompatibles, à une utilisation du système judiciaire pour alimenter les conflits familiaux et à d’importantes différences régionales : ainsi, le suivi et l’adaptation des mesures éducatives et d’aménagement des décisions relatives à l’autorité parentale peut relever soit du tribunal pour enfants (aménagement de la première décision) soit du juge des tutelles, soit encore du juge de l’exécution forcée. Il peut enfin nuire à l’exercice même de l’action éducative.

#3#L’interdépendance de l’administratif et du judiciaire.

L’administration intervient à la fois dans le cadre de la prévention et en exécution de décisions judiciaires, créant une étroite interdépendance entre les deux.

Les consultori familiari, créés par la loi du 29 avril 1975, exercent un soutien social et psychologique. Les services sociaux des communes ou des associations sous contrat exercent des mesures administratives et judiciaires d’assistance éducative à domicile pour éviter la séparation du mineur de son milieu familial. Des activités éducatives sont organisées par des centres de rencontres pour les jeunes, sous la responsabilité des régions. Enfin, le placement d’un enfant peut être organisé lorsqu’il est matériellement ou moralement abandonné, élevé dans des locaux insalubres ou dangereux ou par des personnes incapables d’assurer son éducation. Le placement prononcé à la demande des parents ne peut être exécuté qu’après autorisation du juge tutélaire, ce qui ne clarifie pas la frontière entre la protection administrative et la protection judiciaire.

Le tribunal des mineurs peut être saisi par le procureur, les parents, ou recevoir des signalements des services sociaux. Il constate l’existence de situations de danger et décide des mesures adaptées : il peut imposer des obligations précises aux parents concernant leur comportement, demander l’intervention des services sociaux, placer l’enfant chez un tiers ou sous la tutelle de la commune. L’intervention du tribunal des mineurs est conçue comme une atteinte à l’autorité parentale qui peut aller jusqu’à la déchéance et déclaration d’adoptabilité. Le placement ne peut être prononcé que dans des situations extrêmes de carences éducatives et, hors les cas d’urgence, n’est mis en œuvre qu’après une phase d’évaluation approfondie de la situation du mineur et de sa famille et lorsque toutes les autres tentatives d’aide et de soutien ont été épuisées.

Les mêmes services sociaux sont chargés de l’évaluation, de l’exercice des mesures et de la mise en œuvre du placement. Les situations locales sont contrastées et dans les régions dotées de services moins dynamiques, les juges des mineurs sont placés en situation de suppléer aux carences de l’administration, brouillant ainsi les champs de compétence, ainsi que l’a dénoncé Livia Pomodoro, présidente du tribunal des mineurs de Milan.

#4#Le placement familial et l’adoption

Il est largement fait recours aux structures d’accueil collectif. La taille des institutions s’est réduite avec le temps, le placement institutionnel est conçu comme temporaire, à défaut de placement familial ou de foyer-logement (petites unités de vie). On assiste à un récent effort pour limiter le recours au placement et en même temps, au développement du placement familial.

La loi du 4 mai 1983 réglemente le placement familial et l’adoption. La décision de placement doit être motivée, indiquer la durée probable, les pouvoirs conférés à la famille d’accueil et aux services sociaux qui doivent tenir le juge informé du placement. La mainlevée ne peut intervenir que par décision judiciaire. L’intervention des familles d’accueil est bénévole, un paiement ne pouvant intervenir qu’à titre de remboursement de frais engagés pour l’enfant.

L’assistance éducative étant conçue comme une limitation graduée de l’autorité parentale, les situations extrêmes peuvent aboutir à l’adoption de l’enfant. Celui-ci est déclaré adoptable lorsque ses parents disparaissent ou qu’ils ont été déchus de l’autorité parentale, après audition en chambre du conseil des parents, des proches, de l’institution d’accueil et du mineur s’il est âgé de plus de 12 ans. Lorsque l’enfant est déclaré adoptable, le tribunal des mineurs choisit lui-même le couple d’adoptants, parmi les couples agréés par les consultori familiari, et lui confie l’enfant en pré-adoption pour un an. La décision d’adoption fait l’objet d’une nouvelle audience. L’adoption est irrévocable et les relations de l’enfant adopté avec sa famille d’origine sont rompues. Le nombre d’adoptions prononcées pour situation d’abandon en raison de carences familiales est peu important : le tribunal de Milan n’en a prononcé que 100 l’an dernier, ce qui fait dire à Mme Livia Pomodoro, présidente du tribunal des mineurs de Milan, qu’il ne s’agit pas d’une solution privilégiée en matière de protection de l’enfance.

Toutefois, les institutions qui accueillent des mineurs ont l’obligation de transmettre tous les 6 mois au tribunal des mineurs la liste des enfants qu’elles accueillent pour qu’aucune situation d’abandon matériel ou moral ne puisse lui échapper. En complément de cette obligation, le juge tutélaire informe le tribunal des mineurs de telles situations et visite les institutions d’accueil tous les 6 mois.

#5#Les abus sexuels.

Auparavant objet de protection en qualité de membre de sa famille, l’enfant est de plus en plus considéré en tant que personne, qu’individu titulaire de droits. Cette situation est particulièrement visible en matière de protection des victimes d’atteintes sexuelles : jusqu’à récemment, la répression de la maltraitance avait pour objectif de protéger l’ordre et la morale de la famille en tant qu’institution, la minorité de la victime n’était pas une circonstance aggravante.

La loi du 15 février 1996 relative à la répression des atteintes sexuelles sur les enfants a changé l’approche de la maltraitance. C’est maintenant l’intérêt de l’enfant en tant que personne qui est protégé : le procureur a l’obligation d’informer le tribunal des mineurs de toute dénonciation d’atteinte sexuelle sur mineur, les professionnels de l’éducation et de la santé ont l’obligation de dénoncer les abus dont ils ont connaissance. La principale difficulté est la nécessité d’une plainte de la victime de plus de 10 ans pour pouvoir poursuivre de tels actes. Enfin, le mineur victime bénéficie d’une audition protégée, et de nombreux parquets ont constitué des équipes spécialisées.

#6#Mafia, mineurs non accompagnés et “troubles du bien-être”.

L’utilisation des mineurs par les organisations criminelles est un problème récurrent. Elle perpétue la loi du silence et la culture mafieuse bouleverse l’ordre des familles en faisant de l’enfant le principal fournisseur des revenus familiaux. Cette situation est aggravée par la forte augmentation de l’immigration clandestine : de nombreux mineurs non accompagnés sont récupérés par les organisations criminelles pour la vente au détail de produits stupéfiants, la prostitution et la commission de divers délits, notamment des cambriolages.

Franco Occhiogrosso, président du tribunal des mineurs de Bari, a également évoqué des développements plus récents, à savoir l’implication de mineurs dans des crimes de plus en plus graves surtout dans le sud de l’Italie (phénomène des « baby-killers »), et le développement d’une délinquance sans motif apparent, liée au désœuvrement et qui ne se résorbe pas avec l’âge. Cette forme de délinquance, appelée “trouble du bien-être”, touche de plus en plus de filles. Elle est accompagnée d’un accroissement du taux de suicides, des troubles de l’alimentation, de la consommation de produits stupéfiants.

Franco Occhiogrosso a indiqué que les mineurs étrangers faisaient l’objet d’une répression beaucoup plus sévère que les autres, les tribunaux ayant de plus en plus recours à la détention provisoire avec éloignement de leur lieu de résidence. Il est très difficile pour les services sociaux d’évaluer la situation et de proposer une aide à ces enfants sans famille, exploités par les adultes, ayant connu des ruptures affectives et méfiants à l’égard des institutions étatiques. Selon lui, seul le réveil des communautés locales, leur refus de la culture mafieuse et leur capacité à proposer d’autres modèles et à exprimer avec vigueur une culture de la légalité pourraient permettre de venir à bout de cette situation.

En écho à son appel, Alain Bruel a évoqué la situation des mineurs tziganes : la condamnation des adultes qui les exploitaient a permis d’enrayer le phénomène en France. Aujourd’hui, c’est la situation des mineurs roumains vivant du produit de vols de l’argent des horodateurs qui est préoccupante : des efforts ont été entrepris lorsque, les horodateurs étant hors d’usage et non réparés, les mineurs ont recherché d’autres sources de revenus dans la prostitution. Un projet éducatif cohérent est en phase d’élaboration, des liens se construisent avec les magistrats roumains. C’est sur ces difficultés, appelant des réponses coordonnées et inventives, que la crédibilité de la justice des mineurs est en jeu.

#7#La continuité éducative, un principe moderne.

Malgré ces difficultés, la proportion d’actes impliquant des mineurs est bien moindre en Italie que dans d’autres pays européens : pour 1000 mineurs, 10 seulement font l’objet d’une dénonciation d’infraction, contre 33 en Grande-Bretagne, 43,5 en France et 82 en Allemagne. Le taux d’incarcération les concernant est bien moindre qu’en France et la délinquance des mineurs est en baisse, malgré (ou grâce à ?) l’adoption en 1988, d’un système pénal fondé sur le processus éducatif.

C’est en 1934 que furent créés les premiers tribunaux pour enfants, mais ce n’est qu’en 1988 qu’un procès pénal spécifique a été organisé pour les mineurs. Le décret du 22 septembre 1988 s’est inspiré des règles de Beijing (1985). L’adaptation de la mesure à la situation personnelle et à l’évolution du mineur est l’objectif central du droit pénal des mineurs, plaçant au second plan le souci de rétribution de l’acte : de larges possibilités de dispenses de poursuites, de mesures ou d’exécution de peine sont organisées pour tenir compte des situations où une mesure n’est pas nécessaire ou est susceptible d’aggraver la situation de l’enfant. L’aspect éducatif du procès pénal est mis en valeur. La publicité du procès est restreinte, les intervenants (policiers, magistrats, avocats, travailleurs sociaux) sont spécialisés. L’action civile est traitée séparément, par les juridictions civiles, ce qui renforce encore la concentration du procès sur la personne du mineur.

Le mineur italien bénéficie d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale avant 14 ans. Un mineur âgé de 14 à 18 ans ne peut être poursuivi que s’il est établi qu’il était « capable de comprendre et de vouloir ». Toutefois, les mineurs de 14 ans, ou en incapacité de comprendre et de vouloir, peuvent faire l’objet de mesures de sécurité lorsqu’ils sont socialement dangereux, lorsque les faits sont graves ou en raison de la conduite morale de la famille. Ces mesures consistent en des prescriptions particulières, une assignation à domicile ou un placement en institution judiciaire de rééducation.

#8#Le procès pénal : réparation, médiation, pardon judiciaire.

L’action publique est gouvernée par le principe de légalité des poursuites. Toutefois, s’agissant de mineurs, le procureur peut renoncer aux poursuites lorsque les faits ont un caractère insignifiant. Il peut demander aux services sociaux de l’administration judiciaire ou aux collectivités locales un rapport sur la situation personnelle et familiale du mineur afin d’évaluer sa capacité à comprendre la portée de ses actes et décider ensuite de poursuivre ou non.

Les services sociaux ont également pour mission d’assister et de soutenir le mineur au travers de la procédure, d’assurer l’information du mineur, de garantir la présence et la participation de la famille, de suivre le mineur après une condamnation. En effet, la présence d’un avocat n’est pas systématique et obligatoire à toutes les phases du procès, ce qui provoque actuellement un vif débat en Italie, d’autant plus que certains barreaux ont constitué des groupes d’avocats spécialisés, tant au civil qu’au pénal.

Sur requête du procureur, le mineur est entendu en chambre du conseil par une formation collégiale composée d’un juge professionnel et deux juges honoraires. Cette audience préliminaire se termine par une décision de non-lieu, une condamnation pécuniaire, une sanction substitutive (réparation, médiation, obligations, accompagnement éducatif) ou un renvoi devant le tribunal des mineurs. Depuis la réforme, le juge doit éviter de recourir à la détention provisoire et peut imposer au mineur des obligations concernant sa scolarité ou son travail, l’assigner à résidence, le placer en foyer de semi-liberté. A ce stade de la procédure, un pardon judiciaire peut être accordé au mineur si les juges sont convaincus qu’il n’y aura pas de récidive. Le juge a l’obligation légale d’expliquer au mineur la signification, le contenu et les raisons des actes de procédure.

Le tribunal des mineurs est composé de deux magistrats et de deux juges honoraires. Il est saisi sur renvoi de la formation collégiale, et peut prononcer toute sanction pénale, avec ou sans sursis. Il peut également accorder un pardon judiciaire ou suspendre le procès avec mise à l’épreuve du mineur, quelle que soit la gravité des faits. L’issue positive de la mise à l’épreuve, suivie par les services éducatifs de l’administration judiciaire, entraîne l’extinction du délit. En 2000, ce fut le cas pour 67 % des mesures de mise à l’épreuve prononcées.

Selon Giuseppe Magno, directeur général du service des mineurs au Ministère de la Justice italien, la mise à l’épreuve constitue un excellent outil de prévention de la récidive : il s’agit d’une mesure extrêmement souple, pouvant servir de cadre à une mesure de réparation, à une action de médiation, à un placement, ou à toute action éducative permettant de favoriser la réhabilitation du mineur.

Cette mesure est caractéristique de la philosophie du nouveau procès pénal en Italie, privilégiant la réhabilitation du mineur sur tous les autres intérêts, au point de faire disparaître l’infraction. Les mesures de réparation et les actions de médiation permettre de réintroduire la victime, normalement exclue du procès pénal.

#9#L’éducatif dans la prison.

La réclusion perpétuelle est exclue pour les mineurs (décision de la Cour constitutionnelle du 28 avril 1994). Il existe pour les mineurs un régime de réduction des peines encourues.

Le suivi de la peine est assuré par le juge de l’application des peines spécialisé, compétent jusqu’à la 25ème année du condamné mineur. L’accent est mis sur la non-interruption des actions éducatives en cours. Les peines peuvent donc être exécutées en dehors de la prison : semi-liberté, détention à domicile, substitution de la peine inférieure à 3 ans par un placement auprès des services sociaux assorti d’obligations à respecter.

Les peines d’emprisonnement sont exécutées dans des instituts pénaux pour mineurs, placés sous l’autorité du Département pour la Justice des mineurs. Un encadrement très étroit et une présence éducative forte sont assurés dans ces institutions.

L’Italie a donc tranché un débat que l’on ose à peine aborder en France : celui des institutions fermées, des prisons pour mineurs et de la présence de la protection judiciaire de la jeunesse à l’intérieur de la prison.

Il est pourtant urgent de le faire, de sortir du débat caricatural entre la “surprotection et le tout-ordre-public” (Sylvie Perdriolle), de prendre en compte le durcissement des peines évoqué par Jean-Jacques Penaud, président du tribunal pour enfants de Lyon, qui a fait état d’un doublement des détentions en six ans et d’un doublement des procédures entre 1993 et 1996. Joseph Guichou, directeur régional de la protection judiciaire de la jeunesse de Lyon, a évoqué ce débat, en rappelant qu’exercer une mesure éducative ordonnée par un juge, c’est écouter, apprendre à connaître, faire avec, mais aussi surveiller et expliquer la sanction. Admettre qu’une autorité puisse s’imposer, construire les mesures éducatives au regard de la responsabilisation de tous les acteurs (mineurs, parents, justice, services éducatifs, victimes) à l’exemple de la mesure de réparation, sont des idées qui font leur chemin.

Ainsi que l’a suggéré Franco Occhiogrosso, une réglementation effective et fonctionnelle des interventions sociale et judiciaire est une condition nécessaire mais non suffisante pour trouver des réponses efficaces à la délinquance des mineurs : un fort engagement général et une cohérence sur le but à atteindre, protéger les mineurs, sont également indispensables.

Sylvie Perdriolle a rappelé que la tâche est suffisamment ardue pour qu’il soit non seulement utile, mais aussi nécessaire de partager les réflexions au-delà des frontières et des clivages culturels, de poursuivre le développement d’une approche européenne, faite de l’alliance de prévention, de sanction appropriée et d’éducation. Ainsi le séminaire européen de novembre 2000 a abouti à la proposition de développer un réseau européen de prévention de la délinquance des mineurs et un centre européen pour la recherche et la comparaison entre les différents pays d’Europe.

L’ouverture ne peut être uniquement géographique. Comme l’a souligné Thierry Baranger, cette rencontre avec les magistrats italiens a été l’occasion d’associer pour la première fois les éducateurs et les avocats à la réflexion de l’A.F.M.J.F. sur la justice des mineurs.

Une approche à développer.

synthèse par Muriel EGLIN, ancienne juge des enfants à Belfort