Allocution de Mme Taubira, Garde des Sceaux, lors de l’Assemblée Générale du 2 juin 2012

Accueil par Catherine Sultan, Présidente de l’AFMJF}

Madame la ministre,

Au nom de tous, j’ai le plaisir et l’honneur de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d’être parmi nous ce matin. Votre présence constitue un encouragement et nous en sommes touchés. Pourtant, à peine 2 semaines après votre nomination comme garde des sceaux, ce n’est déjà plus le premier signe fort que vous adressez à la justice des enfants. Votre visite dominicale à la permanence du tribunal pour enfants de Paris, trois jours après votre prise de fonctions, et l’annonce claire de la suppression du tribunal correctionnel pour mineurs marquent le tournant que nous espérions.

Les attaques à votre encontre dont cette annonce fut le prétexte sont aussi inacceptables que médiocres et nous vous exprimons, bien entendu, notre entier soutien. Il n’est pas étonnant, qu’une fois de plus, la justice des enfants serve d’épouvantail, à ceux qui n’hésitent pas à tordre la réalité pour attiser les démons sécuritaires.

En ouvrant nos travaux aujourd’hui, vous renouez avec une ancienne tradition, dont mes prédécesseurs peuvent témoigner, quand l’assemblée générale de l’AFMJF accueillait régulièrement le ministre de la justice en exercice. Votre présence situe la politique judiciaire de l’enfance au niveau qui doit être le sien car le projet que l’on conçoit pour l’enfance en danger et l’enfance délinquante est un marqueur de l’ambition d’une société pour sa jeunesse. Les enjeux de notre matière touchent à des préoccupations sociales fortes. Elles dépassent le domaine de l’enfance en difficulté qu’il s’agisse des rapports entre générations ou du rapport des institutions à la jeunesse. La justice doit prendre sa part dans la construction d’un grand projet pour l’enfance.

Le titre de notre journée de travail « A la recherche de l’enfant perdu » est une incitation à examiner, en miroir, la manière dont nous assumons nos responsabilités d’adultes face à l’enfance en difficulté. Avec les intervenants de la journée nous chercherons à débusquer ce changement de regard qui contamine les esprits et les pratiques et aboutit à dénier à l’enfant sa spécificité et à refuser de le prendre en compte dans sa globalité. Notre « recherche de l’enfant perdu » ne se résume pas à une dénonciation nostalgique. Elle traduit d’abord une volonté de contribuer au débat et d’agir pour soutenir nos convictions.

En quelques mots qui sommes-nous ? Des juges des enfants, des magistrats de la jeunesse, des avocats, des assesseurs près les tribunaux pour enfants, des greffiers. Les professionnels de la protection de l’enfance et de la protection judiciaire sont aussi présents ici : éducateurs, psychologues, associations, responsables d’institutions.

Comment agissons nous ? Eclairés par les principes énoncés par l’ordonnance de 1945, à partir de pratiques professionnelles confrontées au quotidien à une réalité en constante évolution, nous tentons de contribuer à l’adaptation et l’amélioration des réponses de la justice des mineurs. Nous intervenons pour convaincre que la construction de solutions pragmatiques, efficaces et responsables ne tourne pas le dos à une approche humaniste respectueuse du statut et des droits de l’enfant. C’est ainsi que nous pesons dans le débat public. Nous défendons un rapport à l’enfance, le seul qui soit possible, celui de relever le défi pour chacun.

Il n’est pas question de céder à l’exercice qui consiste à se complaire dans la plainte : la dénonciation de l’avalanche législative qui, en 10 ans, a transformé le droit des mineurs en un jeu de piste extrêmement technique au détriment de son objet : le traitement des problèmes posés par un enfant. La déconstruction et l’appauvrissement des institutions éducatives qui laissent les professionnels de la protection judiciaire épuisés, déboussolés.

Juste un mot pour rappeler que la résistance n’a pas été inutile. Elle nous a offert quelques petites victoires : l’introduction d’un amendement parlementaire à notre initiative, en août 2007, a permis de cantonner le domaine des peines plancher applicables aux mineurs (ce qui ne réduit en rien la nécessité de revenir sur ces dispositions), en août 2011, nos arguments ont été entendus par le Sénat qui a soumis les procédures de jugements rapides à l’exigence préalable d’une investigation approfondie sur la personnalité du mineur ; de ce fait le recours à ces modes de jugement a été largement réduit. En juillet 2011 la décision du conseil constitutionnel, suite à une question préjudicielle de constitutionnalité, sur l’impartialité du juge des enfants nous donne un nouveau champ de travail et d’inventivité pour que la continuité éducative du juge des enfants spécialisé ne succombe pas à une interprétation formelle de l’impartialité.

Il a fallu résister mais aussi proposer. Nous avons, collectivement élaboré un projet de réforme de la justice pénale des mineurs. Il faut dire que nous avons eu plus de temps qu’il n’en fallait pour le peaufiner ! Il a été élaboré en tenant compte de la demande sociale à l’égard de la justice des mineurs : une meilleure prise en compte des victimes, une procédure réactive ; il s’inspire d’exemples étrangers, il résulte d’une réflexion qui aboutit à valoriser ce qui fonctionne dans nos cabinets et à éliminer ce qui ne marche pas aussi. Mais ce projet, fidèle à nos convictions, fait le pari de l’action éducative et de l’engagement sur l’avenir.

Nous souhaitons, dès que possible, vous présenter ce projet et aborder avec vous d’autres questions essentielles : l’intervention de la protection judiciaire de la jeunesse dans la protection de l’enfance et des jeunes majeurs alors que certaines missions ont été délaissées, la place spécifique des magistrats de la jeunesse dans les politiques publiques territoriales, la garantie de moyens éducatifs suffisants diversifiés et solides, la complémentarité entre les différents acteurs : le secteur associatif, la PJJ, les conseils généraux.

Après cette entrée en matière qui atteste de l’ampleur de la tâche, je vous remercie à nouveau madame la ministre et vous cède la parole

Allocution de Madame Taubira, Garde des Sceaux

Mesdames et messieurs,

Je vous remercie de votre accueil.

Votre présence, si nombreux aujourd’hui, démontre l’engagement associatif et professionnel au service de la Justice des mineurs. Parmi vous, beaucoup de juges des enfants. C’est un très beau titre, beaucoup plus beau que celui de juge des mineurs.

Vous savez combien le Président de la République s’est engagé en faveur de la jeunesse. Il a pris en grande considération le travail que vous effectuez en apportant des réponses précises à la lettre ouverte que vous lui aviez adressée alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle.

J’ai déjà effectué des visites, rencontré les représentants associatifs et syndicaux des professionnels de la Justice, je vais vous recevoir très bientôt madame la Présidente de l’AFMJF.

Nous savons à quel point vous avez été stigmatisés, suspectés de laxisme, vos conditions de travail se sont détériorées. Ces dernières années, il n’était pas indispensable d’être magistrat, greffier, fonctionnaire, pour sentir la blessure suite aux attaques qui vous ont été réservées. Conscients du rôle structurant de la Justice pour la vitalité de la démocratie, épine dorsale de toute la République, nous avons éprouvé la violence de ces attaques. Les professionnels de l’enfance effectuent un travail extraordinaire, votre dévouement est grand, connu et reconnu par l’ensemble de la population même. Ces attaques ont pu faire planer un doute que l’on va dissiper.

Des questions se posent sur les objectifs et les valeurs qui sous-tendent la justice des mineurs, sur la façon d’éduquer et de juger les mineurs aujourd’hui ; l’attente de la société envers les éducateurs, les juge, les associations est forte. Ces questions sont encore plus aiguës quand il s’agit des mineurs isolés.

Sur quelles valeurs repose la Justice des mineurs ? Celles énoncées dans l’ordonnance de 1945 : l’autorité, la sanction proportionnée, la volonté de ramener les mineurs vers les règles de la société, l’éducation, la protection judiciaire de la jeunesse. Je ne crains pas la répression mais je travaillerai d’arrache-pied pour la prévention et pour l’éducation. La Justice des mineurs doit offrir des solutions diversifiées pour assumer les paris et les défis de l’ambition de l’éducation. Dans la mise en cause de ces principes il y a une idée âpre et douloureuse : l’idée rampante que les enfants de ce pays ne seraient pas nos enfants, mais des mineurs, les enfants des autres. Cette idée est désastreuse. Nous allons oser affirmer, en nous appuyant sur l’histoire et l’intelligence de ce pays, que l’enfance est un univers particulier, complexe qui appelle des compétences. Il n’y a pas d’étanchéité entre l’éducation et la sanction d’où la cohérence d’une Justice spécifique pour les mineurs, qui repose sur la diversité des solutions apportées. L’individualisation de la réponse judiciaire vaut pour les mineurs et les majeurs mais prend sa pleine signification pour les mineurs. Nous avons le souci de respecter les valeurs de l’ordonnance de 1945 mais aussi de viser l’efficacité. Le Président de la République s’est aussi engagé pour l’efficacité d’une Justice spécifique pour les mineurs qui n’a pas besoin pour y parvenir de se maquiller en tribunaux de majeurs.

Parmi les réponses existantes, on sait que 80% des mineurs confrontés à l’autorité judiciaire, à la justice ou aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, ne récidivent pas ; pourtant le milieu ouvert a perdu des moyens considérables.

C’est sur ces valeurs que je m’appuierai pour toutes les décisions à venir.
Ma méthode sera une démarche d’écoute, de rencontre, de dialogue, de sollicitation des professionnels confrontés à cette jeunesse en déshérence. C’est systématiquement que je viendrai vers vous, je privilégierai les exemples de terrain, je préférerai toujours les exemples qui réussissent sur le terrain plutôt qu’une accumulation de législation irréfléchie qui fragilise l’œuvre de justice.

Je compte sur vous. Il s’agit de ramener l’enfant dans la société.
J’ai lu vos propositions, j’y ai trouvé des éléments intéressants que je prendrai en considération : dire rapidement si le jeune est coupable ou innocent et, une fois le verdict posé, faire en sorte que le travail éducatif puisse effectuer son œuvre. Il nous faut apprécier mieux l’impact de vos interventions et les modalités de prise en charge de ces jeunes. Ces réponses doivent être améliorées, il y a nécessité de travailler avec les Conseils généraux. Il y a lieu d’évaluer le fonctionnement des CEF et voir comment renforcer le suivi en milieu ouvert chaque fois que cela est nécessaire. Il faut penser à l’après, la sortie des CEF, voir comment le travail des éducateurs, des travailleurs sociaux est constructif.
Je regarderai avec attention les solutions à apporter au problème du FIJAIS [fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles] que vous avez signalé. J’entends travailler avec tous les acteurs de la Justice des mineurs : juges des enfants, protection judiciaire de la jeunesse, associations, avocats, assesseurs des tribunaux pour enfants. Il y a un certain nombre de réponses à apporter pour le meilleur fonctionnement du service public de la Justice.

Je ferai établir un audit des besoins des ressources humaines, je demanderai un état des lieux sur les délais de prise en charge des mineurs dans les milieux ouverts. Si nous trouvons le bon rythme de travail, je suis sûre que nous réussirons, que nous mettrons un terme aux agressions inutiles, aux brutalités absurdes : remobiliser la protection judiciaire de le jeunesse, les énergies, intelligences accumulées, expériences additionnées, nous mobiliserons tout cela de façon à ce que ce service public retrouve le lustre d’un droit juste qui sache faire confiance aux magistrats, qui accepte le principe du contradictoire et qui comprenne que l’institution judiciaire apporte des garanties démocratiques au justiciable. C’est ce que nous attendons dans une démocratie pour un service public de la Justice. Je compte sur votre combativité, sur votre enthousiasme. Je me battrai pour le faire revivre.

Je compte sur vous pour qu’ensemble, nous parvenions à faire des enfants de ce pays, en danger ou délinquants, des citoyens libres et responsables.
Merci.

Questions à la ministre après l’allocution

Marie-Pierre Hourcade (magistrat)
Nous sommes époustouflés par ce discours qui nous rassure et nous redonne notre enthousiasme. J’ai été sensible à votre souci de redonner vie au milieu ouvert au pénal ; ces dernières années nous avions un discours qui prônait l’enfermement. Nous sommes sensibles à cette position qui est la vôtre, de redonner toute sa place au milieu ouvert car son accompagnement dans la famille est important. Le président de la République a aussi beaucoup parlé des centres fermés, qu’en est-il ?

Geneviève Lefebvre (juge des enfants) 
Les applaudissements sont à la mesure de notre soulagement et espoir. Vous avez évoqué les mineurs isolés ; les tribunaux pour enfants de Paris et des Bobigny sont en première ligne. Nous nous sommes sentis très seuls sur cette question. Les moyens d’investigations sont pauvres, nous avons obtenu un service d’investigation d’une capacité de 150 mineurs par an. Ces enfants pris en charge, qui ne sont pas orphelins, sont seuls face aux institutions. Il y a des sujets en assistance éducative à développer également en matière pénale : les prisons de la région parisienne sont pleines de jeunes roms, la réflexion sur la prévention et les alternatives à la répression ne sont pas développées. Je voulais savoir si c’est une question prioritaire pour vous ? Avez-vous une idée pour la méthode à mettre en oeuvre ?

Maria Ines (éducatrice à la PJJ, et Secrétaire nationale du SNPSS PJJ)
Merci. Vous nous avez rencontrés très vite, cela nous a changés. Nous avons ressenti votre écoute attentive lors de cette audience. Ce que vous avez dit nous redonne un espoir immense, la tâche est difficile car le service public de la PJJ, ce beau et grand service public a été saccagé ces dernières années. Je pèse mes mots : saccagé, du point du vue de ces moyens et du savoir-faire, une confiance a été détruite. Ces dernières années, avec empilement des réformes législatives les professionnels de la PJJ se sont vu disqualifiés, déclarés incompétents. On nous a dit que ce qu’il fallait faire c’était contenir les mineurs ; or nous avons toujours su le faire. C’est un élément structurant de l’action éducative. Cela se fait aussi fortement à travers un accompagnement sur la durée, pour comprendre quel est ce jeune, son parcours, son histoire. Ce temps est un élément précieux : nous devons tisser une relation éducative basée sur la confiance avec ces jeunes très abîmés par la vie. Je voudrais, dans les rencontres ultérieures que nous aurons ensemble, faire valoir ces compétences qui ont été détruites, notamment par une pénalisation systématique. Ceci a influencé le regard porté sur ces services, un regard de défiance. Il faut que ces jeunes aient confiance en nous. Je voudrai dire combien les solidarités et le travail collectif de cette administration ont été détruits. Nous n’avons que des centres fermés, de moins en moins de psychologues. Or, nous avons besoin d’équipes pluridisciplinaires étoffées. Nous avons besoin de la réflexion institutionnelle ; il faut restaurer le service public d’Etat de la PJJ.

Daniel Pical (magistrat) 
Je me réjouis des promesses du président de la République en ce qui concerne suppression des peines planchers et du tribunal correctionnel des mineurs. Nous fêtons le 100ème anniversaire du 1er tribunal pour enfants (1912). Nous avions constaté une tendance à rabaisser la majorité de 18 ans à 16 ans. L’excuse atténuante de minorité devient quelque chose de résiduel. Restituant cette majorité à 18 ans, y aura-t-il quelque chose de prévu en ce qui concerne les jeunes majeurs 18-21 ans ? Comme dans d’autres pays européens (Allemagne, Portugal) où s’ils n’ont pas la maturité suffisante ils peuvent bénéficier de mesures éducatives.

Dominique Attias, (avocate) 
Nous sommes tous attachés à la double compétence du Juge des enfants. Ne pourrions-nous pas rêver à créer un code de la jeunesse ? L’enfant est indivisible. Nous pourrions retrousser nos manches et y travailler.

Jean Pierre Roc (Fédération des assesseurs auprès des tribunaux pour enfants)
Merci, nous avions beaucoup d’inquiétudes pour notre devenir. Votre arrivée nous rassure et la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs nous rassure aussi. Il subsiste des problèmes concernant la formation des assesseurs, nous voudrions être entendus sur ce sujet.
Alain Bruel (ancien président du tribunal pour enfants de Paris) :
Ces dernières années la législation a été dominée par 3 idées reçues : les faits commis sont plus importants que la personne qui les commet, la sévérité de la réponse judiciaire est indispensable, la tolérance zéro, née au USA et reprise sans aucune prétention en France. L’ordonnance de 45 est à l’opposé de ces 3 points. Je sais que les mineurs vous intéressent plus que les faits commis. Il est difficile de répondre à la question de la sévérité. La période qui sépare le 1er contact avec le juge et le jugement est une période très utile pour les éducateurs car la crainte de la sanction permet que le mineur soit plus perméable à ce que disent les adultes, cette période ne doit pas être anormalement réduite. Les textes internationaux parlent beaucoup de dé-judiciarisation, or on a avalé ce principe de la tolérance zéro et il serait important de réfléchir à la participation des collectivités locales à la prévention de la délinquance.

Hervé Hamon (ancien président TPE de Paris)
Je veux attirer votre attention sur le fait que l’afmjf est affiliée à l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse. Nous avons eu honte ces dernières années aux vues de nos engagements européens après des autres pays ; il faut mener une action beaucoup plus volontariste. La France a été la plus saccagée, nous souhaitons que vous puissiez encourager ce mouvement.

Directeur général du groupe SOS
Je suis très honoré de votre nomination. Une préoccupation : la place des associations dans le processus de mise en oeuvre de la justice des mineurs. Les moyens de la justice manquent aussi pour les associations qui font un travail considérable au côté des magistrats, elles sont durement atteintes. A ce titre c’est un cri d’alarme que je vous lance, nous avons besoin de moyens mais aussi de méthodes d’interrogations partagées et de convictions à mettre en oeuvre.

Marie-José Marand-Michon (juge des enfants)
Les juges des enfants sont saisis par le parquet pour envoyer des enfants devant le TCM, pourrait-il y avoir vite une circulaire pour arrêter ce processus !

Madame Kosmann (OSE)
Je remercie madame la présidente de l’AFMJF, grâce à son soutien des choses peuvent avancer. J’atteste des difficultés, du terrain et du sens de l’éducation. Je voudrais dire un mot d’une de mes collègues qui s’est défenestrée il y a peu de temps, son geste au cours d’une réunion de directeur reflète les difficultés d’une profession. Avant que ces enfants arrivent au pénal ils sont souvent suivis au civil, on a réduit les crédits sur les mesures judiciaires d’investigation. La question des jeunes majeurs se pose de manière cruciale. Les contrats jeunes majeurs ne sont plus pris en charge par les gouvernements.

Une psychologue à la PJJ en CEF
Je travaille en centre éducatif fermé, dans un certain nombre de situations le problème de moyens est moins important que la question du sens. Il faut un sens partagé entre adulte vis à vis de ce que nous souhaitons pour NOS enfants. Nous sommes heureux de savoir que la question du sens sera à nouveau posée car la question du sens et de la pensée est attaquée.

Monique Chadeville (Présidente chambre des mineurs à la cour d’appel de paris et membre du groupe franco roumain)
Je souhaite attirer l’attention sur l’urgence du chantier des mineurs isolés. Un accord a été signé entre la PJJ et le parquet de Bobigny, nous sommes envahis par le nombre de dossiers et nous ne somme plus à notre place de magistrat : nous assistons à un combat entre les différents Conseils Généraux pour savoir qui doit assumer financièrement les mineurs isolés. La justice n’a pas sa place dans ce débat, où est l’enfant dans ce domaine ? Il importe peu de savoir où est l’enfant mais surtout qui va payer. Peu importe le projet éducatif, la famille à laquelle il appartient, le seul débat c’est qui paye. Nous avons transmis des QPC sur le problème de l’intervention du parquet : urgent de reposer ce vrai débat sur le plan judiciaire et régler sur le plan politique qui doit assumer cette charge.

Réponse de Madame Taubira

Je ne m’attendais pas à autant de questions. Madame Sultan a rappelé en introduction qu’il y a des questions auxquelles je ne suis pas aujourd’hui en mesure de répondre. Nous vous en ferons part dans une présentation construite et structurée.

Concernant les centres éducatifs fermés, le président de la République a pris des engagements mais il a pris un engagement plus fort encore : celui du dialogue. Ses engagements seront respectés, il est le seul à avoir autorité de les lever, nous sommes respectueux de ces engagements. Il a pris aussi des engagements sur le dialogue, la concertation, le souci de ne pas brutaliser la société, d’apporter les meilleures réponses, que les fonds publics soient les plus efficaces possible.

Concernant les mineurs isolés, j’ai eu une séance de travail avec le président du Conseil Général de Seine saint Denis. Le dispositif mis en place arrive à échéance fin juin : il permettait une répartition des enfants dans d’autres départements. Nous allons très vite avec le directeur de la PJJ voir les moyens dont nous disposons pour consolider le système et répondre à l’accueil de ces mineurs, et à une répartition de ces enfants. Il y a des blocages liés à la situation de ces mineurs et des réponses apportées. Ces mineurs sont ils avant tout étrangers ? Et relèvent-ils de l’Etat ? Ou sont-ils des mineurs isolés, en danger relevant donc du département ? Il faut faire en sorte que dans la concertation les différents points de vue convergent. Mais également que des solutions soient apportées.

Concernant les savoir-faire saccagés, les structures, indépendamment des hommes et des femmes, ont été extrêmement abîmées, leur sens a été placé sous la contrainte de la comptabilité, de la performance qui n’ont rien a voir avec les missions que ces structures doivent assumer. Nous allons réparer cela, collectivement et individuellement. Lorsque les structures fonctionnent mal les gens souffrent et ne sont pas efficaces. Nous allons travailler ensemble, la PJJ a été appelé à de très, très gros efforts. Le contexte législatif qui fait qu’on a tracé une ligne entre l’action pénale pour l’enfance et l’action de la protection de l’enfance. J’ai eu des contacts avec l’association des départements où l’on m’a signalé des situations particulières. Il faut remettre un lien dans tout ça pour donner de la cohérence.

Concernant le code, j’ai reçu des notes, des personnes de grandes
qualités y réfléchissent depuis plusieurs années. Nous allons y travailler.

Concernant les jeunes majeurs, l’exposé des motifs de l’Ordonnance de 45 est encore là, malgré des modifications Ce qui est intéressant dans cet exposé des motifs c’est qu’il commence par énoncer que les mineurs ont changé et qu’il faut arriver à répondre à cette nouvelle génération et à une délinquance que la société française ne connaissait pas auparavant. Dire que l’Ordonnance de 45 est périmée est une absurdité : les générations changent, nous pouvons changer de méthode mais pas de principes. Sur les jeunes majeurs, je ne pense pas qu’il faille légiférer mais il faut un débat. L’Allemagne a beaucoup plus tendance à prolonger la catégorie de la minorité que France qui tend à la restreindre.

Nous devons nous imposer d’avoir ce débat face à une jeunesse ouverte sur le monde car des informations lui arrivent de partout. Cette jeunesse manque aussi de repères, nous devons engager un débat de société. On a vu que les gens arrivaient à adhérer à des discours contraires à l’intérêt de leurs enfants. La société elle-même doit prendre en charge ce débat. Il faut ouvrir les institutions aux citoyens : ce qui est sorti du débat sur la bioéthique, le grenelle de l’environnement était passionnant.

Je partage les trois principes posés par Alain Bruel, nous les mettrons en oeuvre pour que ces principes continuent à vivre.

Concernant l’Europe, le 7 et 8 juin se tiendra le conseil ministériel Justice Affaires Intérieures, il sera question de la présence de l’avocat dans les auditions libres. Ce seront 2 jours de travaux et l’occasion de travailler avec nos amis européens. Je ferai savoir comment nous avançons sur les décisions à prendre, les grandes orientations, et un calendrier prévisionnel pour un certain nombre de décisions. J’ai pris le temps d’écouter, les entretiens que j’ai eu ont duré en moyenne 1h30 d’écoute, de travail, j’ai demandé au directeur de cabinet et à la conseillère d’y assister. Nous ferons monter les assesseurs sur la pile des prochains rendez vous. Je vous remercie très chaleureusement.

Vous trouverez également en pièce jointe des photos relatives à cette manifestation, prises par Candice Daghestani (Juge des enfants)

Lire l’article publié sur lemonde.fr : http://www.lemonde.fr/societe/artic...