La loi de 1912

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La loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée

Sous l’influence des législations étrangères sur l’enfance, la loi du 22 juillet 1912 pose et reconnaît les grands principes qui organisent désormais le système français et préfigurent la protection judiciaire de l’enfance délinquante et en danger des ordonnances du 2 février 1945 et du 23 décembre 1958.

L’exposé des motifs
La loi de 1912

La loi de 1912 en 6 points :

#1#Des juridictions spécialisées

Les mineurs de treize ans, déclarés irresponsables, sont passibles de la juridiction de la Chambre du Conseil du tribunal civil. Cette juridiction confiée au président du tribunal est considérée traditionnellement comme la plus compétente pour juger les affaires délicates de l’état des personnes. Siégeant à huis clos, elle évite de donner une publicité fâcheuse aux affaires intéressant la vie privée des familles.

Les mineurs de treize à dix-huit ans relèvent du tribunal pour enfants et adolescents, siégeant au chef-lieu de chaque arrondissement, composé de trois magistrats de carrière, d’un magistrat du ministère public et d’un greffier, les magistrats devant être le plus possible spécialisés.

#2#Une procédure spéciale

La procédure compte un certain nombre de dérogations à la procédure de droit commun, destinées à simplifier et à accélérer le jugement de l’affaire et à éviter que le mineur ne souffre de l’appareil de la justice.

Les procédures de flagrant délit et sur citation directe sont interdites. Le mineur doit être pourvu d’un défenseur.

Seul le ministère public a l’initiative de la poursuite, à l’exclusion de la partie lésée qui ne peut se porter partie civile. L’action civile sera soumise au tribunal civil séparément de l’action publique. La publicité de l’audience est restreinte, plus restreinte pour les mineurs de treize ans que pour ceux de dix-huit ans.

#3#L’examen de personnalité et les rapporteurs

L’instruction de l’affaire vise à établir l’infraction, car la loi ne s’applique qu’aux mineurs délinquants, mais elle vise aussi à recueillir des renseignements sur la personnalité du mineur et son milieu, en vue du choix de la meilleure mesure à prendre.

A cet effet la loi crée des rapporteurs : magistrats, avocats, avoués, membres de sociétés de patronage reconnues d’utilité publique ou des comités de défense des enfants traduits en justice.

Le rapporteur doit entendre l’enfant et toutes personnes utiles, recueillir tous renseignements et procéder à toutes contestations utiles, mais il n’a pas le pouvoir du magistrat instructeur auquel il doit en référer s’il rencontre des obstacles. Cette enquête porte sur la situation morale et matérielle de la famille, sur le caractère et les antécédents de l’enfant, sur les conditions dans lesquelles celui-ci a vécu et a été élevé et sur les mesures propres à assurer son amendement. Le mineur de treize ans n’est passible que de mesures de protection ou d’éducation.

#4#La notion du discernement

Pour les mineurs de plus de treize ans, le tribunal ou la cour doit poser la question du discernement. Si le mineur est reconnu avoir agi avec discernement, il sera condamné à une peine mais il pourra bénéficier d’une excuse légale atténuante. Les peines sont subies soit dans une section dite de répression d’une colonie correctionnelle pour les peines criminelles, soit dans un quartier séparé de maison d’arrêt jusqu’à six mois, dans une colonie pénitentiaire de jeunes détenus entre six-mois et deux ans, soit dans une colonie correctionnelle au-dessus de deux ans.

Entre seize et dix-huit ans, les mineurs reconnus coupables et ayant agi avec discernement sont assimilés aux majeurs, ils ne bénéficient d’aucune réduction de peine et subissent leur peine dans les mêmes établissements que les adultes.

#5#Primauté des mesures d’éducation

Les tribunaux devront recourir davantage aux mesures éducatives qu’aux peines. Pour qu’elles soient applicables, il convient que le mineur soit reconnu comme ayant agi sans discernement.

Pour les mineurs de treize ans, ils peuvent les acquitter simplement, les rendre à leurs parents, les placer hors de leur famille dans un internat approprié, les remettre à l’Assistance publique. La remise à une colonie pénitentiaire est exclue. Certains établissements de l’Administration pénitentiaire sont destinés cependant à recevoir des mineurs de treize ans.
Pour les mineurs de treize à dix-huit ans, reconnus comme ayant agi sans discernement, ils pourront en outre être remis à une institution charitable ou être conduits dans une colonie pénitentiaire pour y être élevés ou détenus pendant le nombre d’années que le jugement déterminera et qui, toutefois, ne pourra excéder l’époque où ils auront atteint l’âge de vingt et un ans.

#6#La liberté surveillée

C’est l’innovation la plus importante de la loi de 1912. La liberté surveillée, applicable à tous les mineurs, même en dessous de treize ans, peut être ordonnée soit au stade de l’information, soit au stade du jugement, provisoirement comme mesure d’observation pour les mineurs de treize à dix-huit ans, soit comme mesure définitive ou susceptible d’être révisée.

Cette surveillance s’exerce par l’intermédiaire de délégués qui sont des personnes connues des magistrats et possédant leur confiance. Ils ne figurent sur aucune liste à la différence des rapporteurs près les juges d’instruction, mais ils doivent remplir les mêmes conditions d’âge, d’honorabilité, de nationalité que ces derniers. Ils relèvent du contrôle du tribunal qui les mandate et peut les révoquer à volonté. Leurs fonctions sont gratuites et ils ne peuvent prétendre qu’au remboursement de leurs frais de déplacement.

Cette mesure avait pour objet de donner aux mineurs rendus à leur famille, ou confiés à une personne ou à une oeuvre charitable, une sorte de tuteur moral et elle offrait cet avantage de parer aux conséquences à caractère irrévocable des décisions prises.

Article sur le site du Ministère de la Justice.