Projet de code de justice pénale des mineurs : contresens et régression.

Avis de l’AFMJF.

Le projet de code de la justice pénale des mineurs :
un véritable contre-sens et une régression historique sans précédent.

La spécialisation de la justice des mineurs s’est construite dans le sillage de la
reconnaissance de la spécificité de la période de l’enfance.

Il est souvent rappelé, qu’antérieurement, le droit pénal considérait le mineur comme un
adulte en miniature auquel il convenait simplement d’appliquer des dispositions minorées en raison
de l’âge du mis en cause.

Au début du 20ème siècle, à la lumière des progrès des sciences humaines, il fut admis que
l’enfant, individu en construction, présentait des besoins et des réactions distincts et relevait de ce
fait des réponses différenciées de celles appliquées aux adultes.
Eclairée par ces apports de la connaissance, marquée par les conséquences de la période
sombre de la guerre, l’ordonnance du 2 février 1945 est l’expression d’un projet de société
ambitieux pour sa jeunesse et vigilant à ceux qu’elle compte de plus fragiles.

Plus de soixante ans après l’affirmation de cet engagement humaniste et averti, les juges
des enfants continuent d’éprouver au quotidien que la délinquance des mineurs, diverse dans son
expression et dans ses causes, reflète toujours l’immaturité des adolescents qui s’y engagent et
exige, pour être juste et efficace, une approche appropriée tournée vers un avenir en construction.

Cette conception a donc donné naissance à un droit pénal des mineurs spécialisé et
dérogatoire construit autour du principe de “la priorité éducative”. Cette dernière se détache du
régime de la peine et prône une approche tournée vers le développement de l’individu et vers son
insertion.

Elle s’appuie sur la reconnaissance d’un véritable statut de l’enfance, la création d’un
nouveau corps de professionnels de l’éducation intervenant dans le cadre judiciaire. Enfin, elle
repose sur l’institution du juge des enfants, clé de voûte du système.
Dans ses conclusions, le rapport Varinard mettait en exergue le principe général de la
spécialisation de la justice des mineurs, affirmation rapidement démentie par le contenu des
propositions de réforme.

Plus récemment, le projet de code de la justice pénale des mineurs revient sur le principe
lui-même dans son article 113-5 : « Les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale
sont applicables aux mineurs sauf s’il en est disposé autrement par les dispositions du présent
code ».

La spécialisation devient donc l’exception, revenant à une conception du droit pénal des
mineurs antérieure à 1945 et aboutissant à un renversement du regard porté sur l’enfance.

En outre ce texte marque une véritable négation des processus d’accompagnement et
d’éducation des mineurs reconnus par les textes européens et internationaux et notamment :

 La convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989

 Les recommandations du comité des droits de l’enfant (recommandations au
Royaume-Uni CRC/C/15 add. 34 par.35 ; recommandations au Sénégal CRC/C/15 add. 44 par. 26 ;
recommandations à Barbade CRC/C/15 add.103 par.29 ; recommandations à Malte CRC/C/15 add.
129 par. 49)

 L’ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice
pour mineurs de Beijing adoptée par l’assemblée générale le 29 novembre 1985

 La recommandation du comité des ministres aux Etats membres sur les règles
européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures adoptée le 5
novembre 2008. (Dispositions développées dans le texte rédigé par le groupe pluridisciplinaire à
l’origine de la pétition : « Quel futur pour les jeunes délinquants ? »)

Ce retour en arrière se décline ensuite systématiquement à travers une succession de
renoncements : l’abandon du juge des enfants, l’abandon de l’éducatif, l’abandon du statut de
l’enfant.

I/ La disparition du juge des enfants, pierre angulaire d’une justice des mineurs spécialisée

Par l’abandon d’une intervention judiciaire dans la continuité

La situation actuelle

Le juge des enfants est un juge spécialisé et compte parmi les professionnels de l’enfance.
Cette spécialisation repose sur son mode d’intervention.

Ainsi, le même juge des enfants est saisi de l’ensemble des procédures pouvant
éventuellement concerner un même mineur ; il intervient dans la continuité, mène une action
judiciaire qui tend à s’adapter au parcours du jeune justiciable, à partir d’une connaissance de la
globalité de sa situation.

Pour ce faire, l’ordonnance du 2 février 1945 impose une phase d’instruction qui constitue
le point de départ d’une action judiciaire éducative. Tel est le sens de son article 8 : « Le juge des
enfants effectuera toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la
vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa
rééducation ».

En application de ce texte, le juge des enfants organise une phase provisoire, conçue
comme un espace de temps nécessaire pour éclairer le sens du passage à l’acte délinquant en
fonction d’une réalité individuelle et familiale, engager un travail éducatif à même d’infléchir le
parcours du jeune mis en cause et d’accompagner sa réflexion.
Tant qu’il se cantonne au registre éducatif le juge des enfants applique une procédure souple
lui permettant d’adapter les mesures à l’évolution du mineur, tout en tenant compte de ses
antécédents et des éventuelles réitérations.

A l’issue de cette période probatoire, le juge des enfants décide de l’orientation d’un dossier
en tenant compte de la nature des faits et de leur contexte, mais également de l’évolution du mis en
cause depuis lors.

Ainsi, il peut parfois être opportun de juger des faits peu graves devant le tribunal pour
enfants, juridiction plus formelle aux compétences élargies (réitération, échec des mesures
éducatives). Il peut, au contraire, être préférable de prononcer une mesure éducative en audience de
cabinet alors que l’infraction, plus grave dans ses éléments matériels, constitue un acte isolé et a
donné lieu à une prise de conscience suite, par exemple, à une mesure de réparation.

Le juge des enfants, disposant d’une réelle connaissance de la situation et de son évolution
dans le temps, en concertation avec un représentant du parquet des mineurs, fixe le rôle des
audiences du tribunal pour enfants dans le souci de concilier les intérêts distincts du mineur, de la
victime et de la société, dans une stratégie judiciaire bien pensée.

Cette possibilité d’adapter le calendrier judiciaire aux exigences de chaque cas particulier a
été limitée par la loi du 9 septembre 2002 (procédure de présentation immédiate, renvoi
systématique au tribunal pour enfants des mineurs de plus de 16 ans encourant une peine supérieure
ou égale à 7 ans d’emprisonnement). Mais le manque de greffiers et de magistrats dans les
juridictions, la mise en attente des mesures éducatives constituent le premier obstacle à
l’ajustement des temps judiciaires (cf.les conclusions de la mission parlementaire sur l’exécution
des mesures pénales).

Le projet

Selon les dispositions du projet de code de la justice pénale des mineurs, le juge des enfants
engagé dans la continuité du suivi d’un mineur disparaît au profit d’un juge des mineurs
« intermittent ».

En effet, pendant la première phase du processus pénal, le juge des mineurs n’occupe
qu’une place marginale, comme en atteste le rapprochement d’un ensemble de dispositions
renforçant le rôle du parquet.

Ainsi, l’article 211-3 attribue au procureur de la République et au juge des enfants la
compétence pour ordonner des mesures d’investigation (enquête sociale, investigation d’orientation
éducative, examen et expertise médicale ou médico-psychologique) Ces mesures sont prises pour
une durée maximum de 3 mois (art. 211-4). Il revient donc au procureur de conduire l’enquête, de
décider de la mesure d’investigation sur la personnalité. Cette dernière, enserrée dans un délai très
court n’a plus vocation à amorcer un projet éducatif avec un adolescent et sa famille, mais devient
une simple aide à la décision du magistrat au sens le plus strict du terme.

L’article 211-14 du
nouveau code dispose que « le juge des mineurs est saisi aux fins d’ordonner des mesures
éducatives provisoires, de les modifier ou de les rapporter, par réquisitions motivées du procureur
de la République ou à la demande du mineur ou de ses représentants légaux ». Le juge des mineurs
est donc saisi ponctuellement, pour prononcer ou non une mesure éducative envisagée par le
procureur. Il n’a pas en charge la responsabilité du dossier mettant en cause le mineur et il n’est
plus engagé dans son suivi.

L’article 214-1 prévoit la saisine du juge des mineurs et du tribunal pour mineurs « soit par
citation, soit par convocation par officier de police judiciaire, soit par la présentation immédiate ».
Selon le nouveau code c’est donc au stade du jugement que le juge des mineurs intervient
essentiellement, comme juge unique ou comme président du tribunal pour enfants. Il n’a donc plus
de prise sur l’orientation d’une procédure, sur les modalités et la temporalité du jugement. Il intervient comme arbitre, a posteriori, des choix opérés en amont par le parquet.

Le juge des mineurs pourra même être amené à juger un adolescent dont il fera
connaissance au moment de l’audience. Tel pourra être le cas pour un mineur déféré en application
de l’article 214-4 relatif à la présentation immédiate soumise à l’existence « d’investigations sur la
personnalité ». En effet, si l’article 112-2 alinéa 2 pose le principe de la tenue d’un dossier de
personnalité individuel, l’article 211-1 précise que ce dossier est constitué « dès la première mise
en cause » (soit dès le moment où le mineur a pu faire l’objet d’une mesure alternative aux
poursuites judiciaires) et peut comprendre des éléments du dossier d’assistance éducative. Il
devient donc possible que la première confrontation d’un mineur à la justice pénale soit sa
comparution devant le tribunal pour enfants, le jour même de son déferrement !

Par la fin d’une « justice de cabinet »

La situation actuelle

Jusqu’à aujourd’hui, la fonction de juge des enfants est servie par une organisation adaptée.
La sectorisation inscrit le juge des enfants dans la réalité d’un territoire et lui permet de tenir
compte des enjeux et des spécificités du local.
Des habitudes de travail se construisent au fil du temps, grâce aux relations régulières avec
les partenaires institutionnels, grâce à une connaissance mutuelle et à la confrontation régulière des
cadres judiciaire et éducatif.

Le juge des enfants est également une personne identifiée par le mineur et ses parents. Sa
légitimité s’appuie sur l’autorité de ses décisions, mais également sur l’engagement de sa
responsabilité dans leur suivi et sur la relation de confiance qui se construit progressivement. Il est
garant d’une cohérence des mesures prises à l’égard d’un mineur.

Le projet

Selon le projet de code de la justice pénale des mineurs, ce rôle serait dans l’avenir dévolu à
un substitut du procureur.

Or, ce dernier est membre d’un parquet, certes « indivisible », mais constitué de magistrats
toujours différents. Il ne disposera donc ni de la disponibilité, ni de l’expérience pour pouvoir
répondre aux différents événements qui jalonnent le suivi, jamais linéaire, d’un adolescent en
difficulté (changement d’orientation, périodes de crise, santé, relations avec les parents…). Les
risques de cet éparpillement sont déjà déplorés aujourd’hui quand plusieurs magistrats
interviennent pour un même mineur (procédure d’instruction par exemple) et que le juge des
enfants est alors sollicité pour réintroduire de la cohérence.
De plus, le substitut du procureur, soumis à une organisation hiérarchisée, applique les
orientations d’une politique pénale à l’échelle du ressort de la juridiction ; à ce titre il peut recevoir
des instructions dans un dossier individuel. C’est pourquoi, il n’est pas à même d’assurer à la fois la
mission de recherche de la vérité et d’individualisation de la réponse judiciaire, dans un rapport qui
doit rester distancié à la prise en compte d’impératifs d’ordre public appréciés parfois très
localement.

La disparition de juge des enfants dans ce nouveau projet de justice des mineurs résulte de
la conjonction de deux partis pris : centrer la procédure pénale plus sur l’acte que sur l’individu qui
l’a commis et généraliser la volonté de supprimer le juge d’instruction.

Ce dernier point,
contestable en lui même, est inapplicable pour le travail d’investigation et de suivi éducatif conduit
pour un mineur avec sa famille.

II/ La disparition de l’action éducative

Une conception dénaturée de l’éducatif

Une durée des mesures incompatible avec le temps de l’éducation
L’article préliminaire du projet de code de la justice pénale des mineurs, « sur les principes
essentiels, supra législatifs, constitutionnels et conventionnels » énonce le projet fondamental de
« privilégier le développement éducatif et moral » du mineur délinquant capable de discernement.

Les rédacteurs de 1945 ne désavoueraient certainement pas ce propos.
Pourtant, quel qu’en soit le cadre, l’intervention éducative conserve toujours sa nature
relationnelle et demeure donc soumise aux surprises, reculs, blocages et aléas divers qui affectent
le déroulement d’une rencontre intersubjective. Elle requiert donc du temps.

On doit dès lors formuler les plus expresses réserves à l’égard d’un projet de code qui, allant
au-delà des exigences de la commission Varinard restreint à trois mois sans prolongation possible
la durée des mesures d’investigation (article 211-4) et à six mois renouvelables une seule fois celle
des sanctions éducatives (article 131-4). Une telle brièveté peut légitimement faire douter de
l’aptitude des premières à cerner même grossièrement les personnalités complexes ou
récalcitrantes, et de la capacité des secondes à modifier durablement des conduites déviantes
vieilles parfois de plusieurs années. Paradoxalement, c’est au moment où le suivi éducatif amorcé
commencera à porter ses fruits, que l’adolescent sera privé du soutien indispensable à la
confirmation de ses progrès.

Les mesures ou sanctions éducatives sont donc conçues comme exclusivement
« rétributives » et il n’est pas envisagé qu’elles puissent être le point de départ de
l’accompagnement global d’un individu. Dans le même sens, la durée du suivi des jeunes majeurs
est restreinte (article 131-12) aggravant encore les conséquences de la suppression en cours des
mesures civiles de protection des jeunes majeurs.

La protection n’est plus un objectif du travail éducatif

L’article 111-2 confirme ces premières inquiétudes sur l’ambition exprimée par le projet
de code en matière d’efficacité éducative. Toutes les décisions doivent tendre « au développement
de la maturité du mineur, et à sa connaissance des règles et principes nécessaires à son insertion
sociale ». Ainsi, l’accompagnement éducatif ne poursuivrait que deux objectifs : accélérer le
mûrissement de ceux dont un développement inachevé favorise la déviance d’une part et leur
procurer la connaissance salvatrice des règles et principes nécessaires à leur insertion d’autre part.
On pourrait faire remarquer que la présumée maturité des adultes ne les protège pas forcément
contre la délinquance, et que la connaissance qu’ils ont de leurs obligations détermine souvent
moins l’obéissance aux règles qu’une aptitude accrue à les tourner.

Au-delà de cette critique un peu facile, il faut surtout souligner ce qui fait défaut dans la
rédaction adoptée : les éducateurs seraient-ils à présent dispensés de garantir la sécurité matérielle
et affective des mineurs dont ils s’occupent, de veiller à leur santé, d’améliorer leur moralité en les
accompagnant dans une recherche permanente du sens du passage à l’acte et ses conséquences ?

Puisque l’imbrication des fonctions civiles et pénales du juge des enfants, laquelle repose
sur la fondamentale unité de la jeunesse, délinquante ou non, a été finalement reconnue par la
commission Varinard, il serait logique que la définition des objectifs éducatifs reprenne peu ou
prou les critères de l’article 375 du code civil, quitte à y ajouter ce qui spécifie l’intervention au
pénal, c’est à dire le travail sur l’acte et la nécessaire acquisition des règles de la vie sociale.

L’impression de malaise éprouvée à la lecture de l’article 111-2 se prolonge et se renforce à
la lecture de l’article 131-4 concernant les obligations du suivi en milieu ouvert. Il semble que les
rédacteurs du projet ne se soient guère intéressés à ce suivi, dont la présentation par le juge et les
premiers instants déterminent pourtant, en bien comme en mal, les développements ultérieurs.

Une liste d’obligations qui laisse de côté les parents

L’accomplissement de la mesure est ici présenté de façon purement factuelle sous la forme
d’un référentiel de comportements : le mineur devra se présenter périodiquement au service chargé
de la mesure, justifier de son assiduité à une scolarité, une formation professionnelle ou un stage, se
soumettre à des examens, traitements ou soins, accomplir un stage de citoyenneté ou de
sensibilisation à divers dangers, participer à une activité de jour ou encore d’aide ou de réparation à
l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. Dans sa sécheresse et son extériorité, cette
énumération évoque les obligations du contrôle judiciaire, de la composition pénale, d’une mise à
l’épreuve ou encore des conditions alternatives aux poursuites mises à la disposition du Parquet.

Son absence d’originalité par rapport à ces mesures essentiellement coercitives dénote une
incapacité ou un refus de tenir compte des spécificités d’une mesure qui devrait être avant tout un
soutien pour celui à l’égard duquel elle s’exerce et une occasion pour les parents de s’impliquer de
façon positive dans le redressement exigé de leur enfant. Faute de référence à leurs responsabilités
propres, alors même que le mineur continue à résider chez eux, ces derniers restent cantonnés dans
un rôle passif de spectateurs du suivi éducatif ce qui enlève tout intérêt à l’article 112-5 prévoyant
leur information tout au long de la procédure, à l’article 221-8 qui sanctionne leur absentéisme et
contraste singulièrement avec la volonté de responsabilisation affichée en la matière par la
commission Varinard. Dans l’hypothèse d’une réécriture, le concept « d’aide et conseil à la
famille » emprunté à l’article 375-2 du code civil pourrait être adapté au contexte pénal sans risque
de confusion et s’accompagner d’une orientation restauratrice explicite.

La spécificité de la mesure de réparation est niée

Il convient à ce sujet de regretter que le projet ne prévoit la réparation que comme la
dernière des modalités d’alternative aux poursuites (212-2), de la composition pénale (212-5), du
suivi éducatif en milieu ouvert (131-4) et par voie de conséquence des mesures éducatives
provisoires (211-12). Elle peut certes être exécutée dans le cadre d’un placement (131-10) et
insérée dans le suivi éducatif probatoire en milieu ouvert institué dans le cadre d’un ajournement
(article 133-3) mais ne peut être prononcée à titre principal comme réponse à part entière à un acte
de délinquance.

Cette absence d’autonomie qui la soumet au droit commun des sanctions éducatives et
notamment aux sanctions prévues par l’article 131-14 en cas d’inexécution, a pour effet de changer
notablement la nature d’une mesure souvent analysée comme un pari éducatif sur les capacités
d’auto-réhabilitation du mineur et dont les effets concrets sur le sentiment d’impunité et même sur
le comportement ultérieur ont été maintes fois constatés. Le projet dénie aux comportements
réparateurs toute valeur autre que la satisfaction matérielle ou morale donnée à la victime. Enfin
son prononcé implique désormais la désignation d’un service de la protection judiciaire de la
jeunesse, ce qui exclut sans aucune raison et comme par mégarde l’utilisation de la réparation
« sèche » sous l’égide des seuls parents ainsi que le travail, considérable dans ce domaine, du
secteur associatif.

Cette technique de mise en oeuvre à la lettre de la proposition 27 de la commission de
réforme ne fait nullement paraître le désir de voir se développer le recours à l’institution. En ce sens
elle va à l’encontre d’un important courant criminologique européen favorable à la justice
restaurative, et surtout de son application en France, tardive mais prometteuse. En même temps, le
renvoi explicite de l’organisation de la mesure à un futur décret en conseil d’Etat (131-5) prive les
magistrats convaincus de l’intérêt de la réparation indirecte, d’une occasion historique de voir
inscrire dans la loi la nécessaire implication des collectivités locales dans l’accomplissement de la
réparation, et plus généralement dans la réinsertion des délinquants mineurs, ce que la commission
avait tenté de faire assez maladroitement.

Le placement n’est plus une chance mais une punition

La mesure de placement éducatif est, elle-aussi, détournée des ses finalités et s’en trouve
affaiblie. L’article 131-14 lui assigne le rôle de sanction du « non respect par le mineur du suivi
éducatif en milieu ouvert ». Or, un placement, même imposé, doit être présenté comme une
solution positive pour être investi par le mineur comme une occasion de progresser. Cette
orientation est préconisée en tenant compte d’un ensemble d’éléments liés à une situation
individuelle qui en détermine l’intérêt et la faisabilité. Il est illusoire et réducteur de la concevoir
comme la simple conséquence du non respect d’une obligation ponctuelle.

Un dossier de personnalité utilisé à charge

La prise en compte de la personnalité du mineur par la généralisation « d’un dossier unique
de personnalité » (article 112-2) devrait améliorer l’individualisation des suivis. Tel est l’objectif
des juges des enfants qui ont expérimenté cette pratique : améliorer la cohérence du suivi d’un
mineur au pénal, en construisant l’intervention judiciaire autour de l’évolution d’une personnalité
plus que d’une succession de passages à l’acte, permettre d’éclairer l’intervention ponctuelle d’un
magistrat (juge d’instruction, substitut, juge de permanence) qui ne connaît pas habituellement le
jeune concerné.

Au contraire, le code de la justice pénale des mineurs, grâce à ce dossier de personnalité,
entend faciliter la systématisation des jugements rapides, au détriment du travail éducatif. Ce
« dossier unique » vient suppléer à l’existence d’un juge « unique », identifié comme chargé de
suivre un mineur particulier.

Le projet de code témoigne donc d’une véritable méconnaissance du sens et des leviers du
travail éducatif, lequel semble compris comme un saupoudrage de surface. C’est ainsi que peut être
compris l’article 112-4 selon lequel « Les mesures de contrainte dont un mineur peut faire l’objet
au cours de l’enquête…. peuvent être accompagnées d’une mesure éducative ».

Une nouvelle étape vers un renforcement de la répression

Par le principe de la progressivité

L’article 113-1 pose le principe de progressivité dans la sévérité des réponses et des choix
procéduraux.

Certes, dans l’évident dessein d’échapper à la censure du conseil constitutionnel, les
rédacteurs ont introduit une double réserve portant sur la nature des actes commis et l’évolution de
la personnalité, de sorte que l’on pourrait croire à un simple effet d’affichage. Mais, outre le fait
qu’on voit mal le parquet faire grand usage de ces restrictions, l’interdiction faite au juge en toute
hypothèse de réitérer une remise à parent ou un avertissement judiciaire sans y ajouter d’autre
mesure (131-13) et le choix du placement, jugé seul dissuasif, comme sanction du non respect
d’une sanction éducative ( 131-14 ), montrent suffisamment qu’en deçà même de l’application de la
loi sur la récidive le principe de progressivité correspond à une aggravation mécanique et
irréversible de la sanction.

Dans le même sens, plutôt que de faciliter l’individualisation du traitement judiciaire,
l’article 112-3 pose le principe selon lequel « toute infraction commise par un mineur de treize ans
révolu doit donner lieu à des poursuites ou des mesures alternatives… sauf à titre exceptionnel… ».
Une telle rigueur n’existe d’ailleurs pas à l’encontre des majeurs, laissant penser que notre société
se méfie surtout de ses enfants !

Nous ne reviendrons pas sur l’immixtion proposée au législateur dans le domaine de
l’individualisation, qui relève par excellence de la responsabilité des magistrats, et ce au prétexte
d’un laxisme dont la réalité n’a jamais été démontré. Nous ferons seulement observer que pour être
comprise, la sévérité doit avoir un sens. Or la chronologie aléatoire selon laquelle des infractions de
gravité au demeurant inégale parviennent ou non à la police et à plus forte raison à la justice permet
rarement de reconstituer de façon complètement satisfaisante au moment de l’audience la vérité
d’une trajectoire délinquante. La proposition que nous avions faîte de réunir les poursuites
afférentes à une certaine période pour éviter un émiettement excessif n’a pas été retenue.

Reposant sur une perception incomplète et déformée, l’application d’une progressivité dans
la réaction sociale ne peut être dès lors qu’une utopie aux conséquences dangereuses. Les
praticiens considèrent plus judicieux de régler leur sévérité sur le fondement plus solide de la
gravité des faits de la cause, tempérée par la connaissance la plus actualisée possible de la
personnalité du mineur.

L’automaticité de la réponse judiciaire et la limitation de la marge d’appréciation du juge
vont de plus aboutir logiquement à une inflation du nombre de mesures confiées à la PJJ. La
nouvelle procédure conduira également à la multiplication des audiences du tribunal pour enfants
lesquelles requièrent des moyens humains et matériels importants (greffiers, huissiers, service
d’ordre, salles d’audiences)
Les rédacteurs du projet de code ont-ils envisagé une dotation budgétaire à la hauteur de ces
nouvelles charges ?

Par une répression accrue

L’article 111-3 du projet de code affirme le caractère subsidiaire de la peine. Pourtant la
logique de la peine apparaît comme le moteur de cette conception dénaturée de l’éducatif et tend à
une accélération de la répression.

Ainsi :

 l’article 211-13 limite le recours aux mesures éducatives à titre provisoire « aux délits punis de
moins de 5 ans et ne mettant en cause que des mineurs ne faisant pas l’objet de mesures de
détention provisoire ou de contrôle judiciaire ». Les mesures de placement, de suivi en milieu
ouvert ou de réparation ne seraient donc plus applicables à l’auteur âgé de 15 ans d’un vol de
portable commis avec un complice à la sortie du collège ?

 l’article 211-22 dans son alinéa 2 élargit les conditions de la détention provisoire pour les mineurs
de 13 à 16 ans en matière correctionnelle.

 les articles 223-8 et 223-9 permettent au juge des mineurs, statuant comme juge unique, de
prononcer des peines d’emprisonnement. Jusqu’à ce jour, les pouvoirs du juge des enfants, juge
unique, étaient limités au prononcé de mesures éducatives.

 l’article 223-7 prévoit de larges possibilités de prononcer l’exécution provisoire des peines
d’emprisonnement, au-delà de ce qui est possible pour les majeurs.

On aura compris que la conception de l’éducation qui s’exprime dans le projet de code de
justice pénale des mineurs manque singulièrement d’ampleur, de souplesse, et pour tout dire de
pragmatisme.

III/ La disparition du statut de l’enfant : l’assimilation des mineurs de 13 ans à des majeurs
atteints d’un trouble mental

En l’état actuel du droit, un mineur est pénalement responsable s’il est capable de
discernement (article 122-8 du code pénal). Le projet de code de justice des mineurs fixe, dans les
principes généraux liminaires, un âge minimum de responsabilité pénale à 13 ans (article 111-1 du
code des mineurs), allant plus loin que le rapport de la commission Varinard qui préconisait de
retenir l’âge de 12 ans.

Cette détermination par la loi d’un âge minimum en dessous duquel les mineurs sont
présumés incapables de discernement est une avancée indéniable et nécessaire dans la mesure où
elle permet de clarifier le statut des mineurs et de mettre le droit français en adéquation avec les
engagements internationaux de la France.

Si l’on ne peut que se féliciter du fait que le projet retienne l’âge de 13 ans, suivant ainsi les
recommandations de l’AFMJF, l’instauration d’un régime spécifique pour les 10-13 ans est une
nouvelle concrétisation de l’approche purement répressive à l’oeuvre dans ce projet.

Le recul du seuil d’âge d’irresponsabilité pénale à 13 ans repose en effet moins sur une analyse
fiable de la réalité que recouvre la délinquance des mineurs que sur une volonté de répondre à la
vive émotion suscitée, lors de la remise du rapport Varinard, par la perspective d’incarcération de
mineurs âgé de 12 ans.

Loin d’assurer un statut protecteur en faveur des mineurs les plus jeunes et d’offrir une plus
grande lisibilité de la procédure pénale, le régime particulier des mineurs de 10 à 13 ans contredit
entièrement le principe affiché d’irresponsabilité pénale, réduisant ces mineurs de 13 ans à de
dangereux délinquants, les assimilant à des majeurs atteints d’un trouble mental et refusant des les
considérer pour ce qu’ils sont, des enfants en danger.

Une irresponsabilité pénale en trompe-l’oeil

Alors que la fixation d’un âge minimum de responsabilité doit entraîner l’exclusion des
mineurs de 13 ans de la sphère pénale, le projet de code des mineurs, dédié à la justice pénale,
consacre un livre entier à une nouvelle catégorie juridique, celle des mineurs âgés de 10 à 13 ans.

L’article 111-7 du projet de code des mineurs dispose en effet que « sans préjudice de la possibilité
de recourir à la procédure d’assistance éducative, les mineurs de dix à treize ans auteurs d’une
infraction à la loi pénale peuvent voir leur responsabilité civile recherchée afin que soient prises à
leur égard, dans leur intérêt et dans celui des victimes, des mesures adaptées à leur âge et à leur
personnalité, selon les modalités prévues par les dispositions du livre IV du présent code ».

Les mineurs de 10-13 ans peuvent ainsi faire l’objet :

 d’une retenue au cours de l’enquête (article 421-2)

 d’une mesure en alternative à la saisine du juge des mineurs, (article 421-4)

 d’une mesure en milieu ouvert ou placement, soit à titre provisoire (article 421-3 ) soit à l’issue
d’une audience au cours de laquelle a été constatée l’imputabilité des faits au mineur irresponsable
(article 421-5).

Ne pouvant justifier ces mesures par la responsabilité pénale des mineurs de 13 ans, le
projet de code fonde ce régime juridique spécifique sur la responsabilité civile des mineurs.

Il s’agit là d’une confusion alarmante. La responsabilité civile a pour seule finalité la
réparation du préjudice subi par la victime. Mécanisme indemnitaire, cette responsabilité ne peut
en rien fonder des mesures contraignantes ni des dispositions visant le reclassement du mineur.

Le dispositif institué par le projet de code des mineurs est en réalité la parfaite transposition
des dispositions applicables aux majeurs irresponsables en raison d’un trouble mental telles
qu’issues de la loi du 25 février 2008. Assimilant l’absence de discernement des malades mentaux
et celui des mineurs les plus jeunes, le projet de code met en place des mesures de sûreté, fondées
sur la dangerosité supposée des mineurs les plus jeunes.

Les mineurs de 13 ans en deviennent soumis à un régime juridique absurde,
paradoxalement moins protecteur que les dispositions prévues pour les mineurs de plus de 13 ans :

 Quels sont les droits des mineurs retenus lors de l’enquête dès lors que le code prévoit que « les
dispositions relatives à la garde à vue ne sont pas applicables » ? Ces mineurs peuvent-ils être
maintenus sous la contrainte sans que les responsables légaux ne soient informés, sans avoir accès
à un avocat ni à un médecin ?

 Quelle est la finalité des mesures en milieu ouvert ou de placement, mesures ordonnées hors de
tout cadre juridique, ni dans le cadre de l’assistance éducative, ni dans le cadre de la responsabilité
pénale ?

 Quel est le régime juridique de ces mesures hybrides ? Quelle est leur durée ? A quel service
peuvent-elles être confiées ? Qui les finance ? Quelle est la réponse en cas d’inexécution ?

Alors que les mineurs et leurs familles ont un besoin impératif de repères et de cadre
structurant, comment pourront-ils donner du sens à ces mesures contraignantes ordonnées en
réponse à un acte pour lequel le mineur ne peut être poursuivi ?
Que peuvent-ils comprendre d’une audience destinée à « constater l’imputabilité objective
des faits ? »

Le projet nie toute démarche éducative

Il retient une approche centrée uniquement sur l’acte commis, excluant même toute
possibilité d’investigation sur le contexte du passage à l’acte, sur la situation personnelle ou
familiale du mineur, remettant ainsi en cause le fondement même de la justice des mineurs.

Ce texte ne se fonde que sur le postulat erroné selon lequel les mineurs délinquants sont de
plus en plus jeunes, de plus en plus violents, de plus en plus dangereux et que l’absence de réponse
spécifique risque d’entraîner un sentiment d’impunité et de favoriser la banalisation du passage à
l’acte. Il n’est pourtant nullement nécessaire de créer un statut juridique sui generis, les dispositifs
existants permettent de répondre de façon adaptée aux actes commis par les mineurs les plus
jeunes, tant dans l’intérêt de la victime, de la société que du mineur.

Un régime spécifique inutile

Pour les victimes

Les victimes lésées à la suite d’un acte commis par un mineur trop jeune pour faire l’objet de
poursuite pénale peuvent obtenir réparation du préjudice subi, quel que soit l’âge du mineur et quel
que soit son discernement, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile.

L’intérêt des victimes est d’autant plus sauvegardé que les actes commis par les mineurs, même
incapables de discernement, entraînent la responsabilité civile des parents, sur le fondement de
l’article 1384 du code civil.

Pour les mineurs

L’irresponsabilité pénale des mineurs de 13 ans ne signifie pas une absence de réponse aux
actes qu’ils commettent. Cela signifie que la réponse doit être autre.
Elle doit en tout premier lieu émaner des parents, mais aussi des adultes et des institutions qui
exercent des responsabilités éducatives auprès de ces mineurs (éducation nationale, services
sociaux, associations de prévention…).

Lorsque les parents ne sont pas en mesure d’apporter les réponses structurantes et adaptées
ou lorsque la nature de l’acte est telle qu’il dépasse le rôle des parents, le juge des enfants peut alors
utilement intervenir dans le cadre de la procédure d’assistance éducative.

Les très jeunes mineurs qui commettent des actes graves ou qui sont pris dans la répétition d’actes
délictueux ne sont pas de dangereux délinquants mais des enfants en danger, en danger dans leur
construction individuelle et sociale, en danger de dérive, en danger de marginalisation, en danger
de déséquilibre psychique.

Saisi par le procureur de la République sur le fondement de l’article 375 du code civil, le juge des
enfants peut, par des mesures d’investigation, analyser le contexte familial et social dans lequel
évolue le mineur, comprendre, le cas échéant, les dysfonctionnements que révèle le passage à l’acte
du mineur ; il dispose des moyens pour permettre un accompagnement du jeune et de sa famille
dans le cadre du milieu ouvert mais aussi de placement, avec un accompagnement
pluridisciplinaire.

Les passages à l’acte ne sont pas niés ou banalisés. La confrontation au Juge, figure
d’autorité et l’audience permet de nommer l’interdit.
L’accompagnement éducatif tend à faire respecter le cadre de la Loi. Il est mené un indispensable
travail avec les parents pour leur faire prendre conscience de leurs responsabilités éducatives et les
restaurer dans leur autorité.

L’assistance éducative offre cet espace nécessaire pour mener auprès du jeune et de sa famille une
action qui favorise l’intégration des repères et l’évolution de la personnalité, au delà de la logique de
la réponse à un acte donné : cette procédure est ainsi la meilleure garantie pour prévenir de
nouveaux passages à l’acte.

CONCLUSIONS :

Nous rappelons les propositions que nous avions formulées pour une réforme de la justice
des mineurs qui aille dans le bon sens, à contre-courant du projet envisagé.

Une juste réforme du droit pénal des mineurs doit s’attacher à répondre aux attentes de la demande
sociale, à redonner de la cohérence à notre régime juridique et à affecter à la justice les moyens à la
hauteur de son ambition.

Elle doit respecter les principes affirmés par le droit international et le conseil constitutionnel
quand à la spécialisation de la justice des mineurs et au respect des droits de l’enfant.

Elle doit tenir compte des deux rappels à l’ordre adressés à la France en 2004 par la commission de
Genève chargée de veiller à l’application des CIDE.

Elle doit rester fidèle aux principes humanistes et pragmatiques de l’ordonnance du 2 février 1945
qui définissent la place de l’enfant dans la société, le devoir d’éducation des adultes à son égard et
la responsabilité propre et spécifique du mineur par rapport à ses actes.

Dans ce sens, nous proposons de :

· Redéfinir un droit pénal des mineurs autonome et une procédure pénale spécifique.

Pour obtenir un véritable effet d’accélération, il convient de réaménager l’espace procédural de
façon à supprimer les temps morts et à mener à bien simultanément des tâches aussi différentes
que la manifestation de la vérité, la connaissance de la personnalité de l’auteur et de ses
capacités de progrès et de prise de conscience de la gravité des faits et le désintéressement de la
victime.

A cette fin, nous proposons de définir une procédure unique et spécifique, souple et
compréhensible par les intéressés, garantissant les droits de la défense, organisée autour de deux
axes :

- une césure de la procédure entre une audience initiale sur les faits, leur
imputabilité, la culpabilité du mineur, l’appréciation de l’indemnisation du préjudice de la victime
et la mise en cause des responsables civils et une audience de jugement du mineur coupable après
un délai d’épreuve permettant d’investiguer sur la personnalité du mineur et son environnement, de
mettre en oeuvre les mesures éducatives ou coercitives appropriées afin que le mineur soit
sanctionné pour l’acte commis en fonction de sa conduite sur une certaine durée.

- un dossier unique sur la période d’épreuve permettant d’y joindre le cas échéant
d’autres saisines (après avoir statué sur la culpabilité et l’indemnisation de la victime) afin d’avoir
en main l’intégralité des éléments de personnalité et la chronologie des passages à l’acte et
d’apprécier le parcours du mineur dans sa globalité et non plus de façon morcelée.
Concrètement, l’organisation procédurale serait la suivante : le mineur concerné assisté
obligatoirement d’un avocat choisi ou désigné d’office, ses représentants légaux et civilement
responsables, la victime sont convoqués dans le délai de dix jours à deux mois suivant la saisine,
sauf en cas de déferrement immédiat parfois nécessaire. L’audience initiale ne comporte de mise en examen ou d’attribution de la qualité de témoin assisté que si les faits sont contestés ou que des
actes d’instruction sur les faits paraissent nécessaires.

Dans tous les autres cas (90% d’entre eux), l’audience initiale aboutit :

 soit à une relaxe

 soit à une condamnation sous forme d’avertissement judiciaire ou de maintien sous
l’autorité des parents (assorti le cas échéant d’un renvoi en assistance éducative) et de
fixation de l’indemnisation de la partie civile

 soit à un jugement comportant déclaration de culpabilité, fixation de l’indemnisation de la partie
civile, ajournement de la décision sur la sanction et instauration d’un délai d’épreuve de six mois
pour permettre selon le cas, de réaliser investigations, expertises, enquêtes sociales, examens de
personnalité, actions éducatives avec placement ou non, mesures de réparation, de mettre en oeuvre
les obligations d’un contrôle judiciaire voire une détention provisoire. A ce stade, le juge des
enfants saisi peut en cas d’auteurs multiples disjoindre et renvoyer les mineurs dépendant de la
compétence territoriale d’autres collègues à leur juge naturel.

Au terme du délai d’épreuve, le juge procède à une conférence de mise en état : après avoir
examiné selon le cas, les conclusions des investigations, le rapport de comportement du mineur, le
résultat des démarches de placement, celui des mesures de réparation et recueilli les avis du
ministère public et de la défense, il choisit d’audiencer l’affaire devant lui-même ou devant le
tribunal pour enfants à la première date utile.

Une seule citation vaut alors pour l’ensemble des faits poursuivis sur la période de mise à
l’épreuve et un seul jugement est rendu réduisant sensiblement les coûts, le traitement par le Greffe
de la procédure et l’engorgement des audiences.

La juridiction de jugement peut donc en pleine connaissance de cause apprécier s’il y a ou non
nécessité de prononcer une peine, celle-ci étant destinée à sanctionner le délit et ses réitérations
éventuelles, mais aussi la mauvaise volonté à en réparer les conséquences et l’absence
d’amélioration dans le comportement pendant la période considérée.

Une telle conception procédurale sanctionnant tous les éléments d’une conduite appréciée
dans la durée permettrait de limiter les conséquences de la fragmentation des poursuites, de régler
sans délai la question de l’indemnisation de la victime, de réduire considérablement les délais et les
coûts de procédure, d’alléger les charges du greffe dans la mise en forme, de désengorger les
audiences.

· Assigner à la justice des mineurs une finalité réparatrice, en traitant plus rapidement les
demandes des victimes (de manière à les prendre en compte pour les réconcilier avec notre
justice des mineurs et ainsi les rétablir dans leur dignité), indépendamment du suivi en
cours pour l’adolescent et en engageant le mineur dans une démarche de réparation du
dommage causé, de désintéressement de la victime et de restauration de son image.

· Responsabiliser les collectivités locales dans le traitement des la délinquance juvénile en
amont et en aval de l’intervention judiciaire.

· Asseoir la spécialisation des professionnels. La justice des mineurs doit s’appuyer sur un
juge des enfants spécialisé chargé de connaître dans une vision globale des problèmes de
l’enfance en difficulté, la protection de l’enfant en danger et le traitement de la délinquance
des mineurs. Il doit en aller de même les autres acteurs de la justice des mineurs,
éducateurs, assesseurs du tribunal pour enfants, magistrats du parquet et avocats.

Pour finir rappelons les recommandations de l’article 40 alinéa 1er de la Convention Internationale
des Droits de l’Enfant.

« Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi
pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur
personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales
d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la
société et de et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ».

Le 9 juin 2009

Télécharger l’avis de l’AFMJF en format pdf.

Lire le projet de code de justice pénale des mineurs du ministère de la justice.