Les mineurs roumains (novembre 2007)

RAPATRIEMENT DES MINEURS ISOLES ROUMAINS

INQUIETUDES SUR LES DEUX ACCORDS FRANCO-ROUMAINS (2002 ET 2007)

L’association HORS LA RUE a suivi en 2006 15 mineurs rentrés cette même année en Roumanie :

 6 mineurs isolés rentrés en Roumanie via l’ANAEM,
 9 mineurs isolés rentrés par leurs propres moyens.

Notre expertise et nos observations sur le terrain nous poussent aujourd’hui à remettre en cause
les conditions de mise en oeuvre de l’accord franco-roumain de 2002, et à demander le retrait du
nouvel accord de 2007, en attendant notamment un vrai bilan qualitatif du premier accord.

Lire l’étude de Hors La Rue.

Lire la lettre ouverte aux parlementaires signée par l’AFMJF.

Lettre ouverte aux Parlementaires

Paris, le 12/11/2007

Objet : Accord franco-roumain relatif à une protection des mineurs roumains isolés et à leur retour dans leur
pays d’origine

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Un nouvel accord entre la France et la Roumanie concernant la situation des mineurs isolés roumains, signé
en février 2007, va très prochainement vous être soumis pour ratification.

Nous souhaitons attirer votre attention sur les risques que la mise en oeuvre de cet accord ferait peser sur la
sécurité et le bien-être de ces enfants, en dérogeant aux principes des dispositifs de protection des mineurs.

Depuis 2002, la France rapatrie des mineurs roumains vers leur pays d’origine en application d’un précédent
accord. Or, nous avons pu constater que :

 la plupart des mineurs rapatriés n’ont bénéficié d’aucun suivi après leur retour, contrairement à ce qui était
prévu dans l’accord ;

 certains de ces mineurs rapatriés sont ensuite repartis à l’étranger dans des conditions dramatiques
(prostitution, maltraitance, …) ;

 aucune évaluation n’a été réalisée sur la situation des jeunes après leur retour en Roumanie, malgré les
bilans d’étape prévus par le texte.

Non seulement le nouvel accord qui vous sera soumis ne corrige pas ces graves défauts mais, de plus,
il revoit à la baisse certaines garanties fondamentales encadrant jusqu’ à présent le retour de l’enfant isolé. Il
prévoit en effet :

 la suppression de la demande d’évaluation préalable au retour du mineur ;

 la suppression de la saisine systématique du juge des enfants, ce qui laisse au parquet la possibilité
d’organiser le retour du mineur en l’absence de toute procédure contradictoire.

L’expérience démontre que lorsqu’un jeune roumain retrouve dans son pays d’origine les mêmes conditions
que celles qui ont provoqué son départ, il repart souvent très rapidement vers la France ou vers un autre
pays européen, ceci parfois même sous la contrainte de sa famille ou des adultes censés l’accueillir,
compromettant gravement sa santé, sa sécurité et son développement.

Le dispositif de protection de l’enfance en Roumanie n’est pas en mesure d’agir efficacement dans ce type
de situation. Même si nous avons la conviction que la Roumanie a la volonté et la capacité de se doter d’un
système de protection de l’enfance à la hauteur des exigences européennes, et malgré ses progrès évidents
en la matière, il reste toutefois encore du chemin à parcourir - il n’existe par exemple qu’un seul tribunal
pour enfants aujourd’hui - avant que ce pays ne soit à même d’assurer une protection et une réinsertion de
tous ces mineurs sur l’ensemble de son territoire.

Un retour mal préparé est donc contre-productif, voire dangereux.

Chaque situation nécessite une vraie période d’évaluation afin de déterminer avec précision si un retour est
envisageable dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans certains cas, l’installation en France s’impose. Si un
retour est envisagé, les étapes clés de sa réussite sont :

 l’organisation d’un entretien avec le jeune pour comprendre son parcours, les raisons de son départ, sa
motivation, ses capacités ;

 la prise de contact avec sa famille au pays ;

 une évaluation sociale au pays, complète et rapide ;

 la préparation d’une reprise de scolarité ou de formation ;

 l’adhésion du jeune au projet, et l’implication des parents le cas échéant ;

 une validation du projet par le juge des enfants en fonction de l’intérêt de l’enfant ;

 un suivi post-retour par des services sociaux et/ou une ONG.

La France s’est fixé le devoir de protéger tous les mineurs présents sur son territoire, quels qu’ils soient, et d’où qu’ils viennent. Leur renvoi dans les conditions prévues par ce nouvel accord signifie de manière claire
l’abandon de ce devoir de protection. Cet accord ne doit pas devenir un moyen de contourner la protection
accordée aux mineurs contre les mesures d’éloignement.
En conséquence, nous vous demandons d’une part, de ne pas ratifier ce nouvel accord qui est inacceptable
en l’état, n’offrant pas les garanties minimales de protection de ces mineurs isolés et d’autre part, d’obtenir
en préalable à tout nouvel accord une évaluation qualitative sérieuse du précédent dispositif.

Seul un vrai bilan qualitatif de l’accord existant, portant notamment sur la situation des mineurs retournés en
Roumanie, permettra d’envisager un nouveau dispositif respectueux des droits de l’Enfant.

Nous vous prions de croire, Madame la Députée, Monsieur le Député, à l’assurance de notre haute considération.

Signataires : Hors la Rue, Gisti, Ligue des Droits de l’Homme, Solidarité Laïque, France Terre D’Asile, Enfants du Monde Droits de l’Homme, ARC 75, Fondation d’Auteuil, Auteuil International, Secours Catholique, Cimade, MRAP, Réseau Droits des Jeunes, La FNARS, Romeurope, FNASAT, ASAV, ASET, Médecins du Monde, Amicale du Nid, Association Contre la Prostitution des Enfants, Comité d’Aide Médicale,
Syndicat de la Magistrature, Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille, la FERC,
Défense des Enfants International (DEI section française), RESF (Réseau Education Sans Frontières), Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, ALC Nice, THEMIS, Jeunes Errants RIME (Rassemblement des intervenants sociaux pour l’insertion des mineurs et jeunes majeurs étrangers), REMI (Réseau Euro méditerranéen pour la protection des Mineurs Isolés), APDHA.

Contacts :

HORS LA RUE Benoît AUZOU - benoit.auzou@horslarue.org - b_auzou@yahoo.fr - 06.24.78.31.71

Alexandre LE CLEVE - alexandre.lecleve@horslarue.org - 01.42.96.85.17

GISTI Jean-François MARTINI - martini@gisti.org - 01.43.14.84.84

LDH Malik SALEMKOUR - msalemkour@noos.fr - 01.56.55.51.07

SOLIDARITE LAIQUE Roland BIACHE - rbiache@solidarite-laique.asso.fr - 01.45.35.13.13

FTDA Dominique BORDIN - dbordin@france-terre-asile.org - 06.83.35.78.40 - 01.56.73.10.60

EMDH Zine-Eddine MJATI - zemjati@emdh.org - 01.43.90.47.70