Organiser un Grenelle de l’enfance.

Par Caroline Eliacheff, psychanalyste et pédopsychiatre.

NOUVELOBS.COM | 27.06.2007 |

La justice des mineurs est-elle suffisamment efficace pour qu’on fasse l’économie d’une réforme ?

 Personne n’a jamais dit que le monde des adolescents était merveilleux ! Il ne s’agit pas de refuser toutes les réformes, de s’opposer pour s’opposer, de taper sur le méchant M. Sarkozy ! Ce gouvernement a envie d’agir et tant mieux ! On a trop traîné. Mais la justice des mineurs est un domaine délicat, qui nécessite un vrai débat de société avant d’être réformé. Les acteurs sont très nombreux - éducation, justice, petite enfance, social -, beaucoup de gens compétents étudient la question depuis des années, tous ont envie que cela change.

Les problèmes de la jeunesse touchent tous les adultes qui ont une responsabilité vis-à-vis des jeunes. Personne n’a le monopole de la bonne réponse : il serait intéressant de nous réunir pour que nous puissions travailler ensemble et devenir une force de propositions.

Le monde a changé, il faut imaginer des solutions différentes, innovantes, pour les jeunes. Nous ne nous contentons pas de critiquer la réforme, nous voulons être constructifs et réclamons un véritable "Grenelle" de l’adolescence afin de mettre toutes nos réflexions, toutes nos expériences, en commun.
Et pour nourrir le débat, nous aimerions qu’une évaluation des politiques publiques soit menée.

L’ordonnance de 45 a été énormément modifiée. Personne ne sait quel impact ont eu ces modifications : ont-elles été efficaces ? appliquées ? inefficaces car inappliquées ? Tous les professionnels seraient ravis d’avoir un audit de l’impact de ces différentes réformes.

Si la prison n’est pas la solution, que proposer en cas de récidive ?

 La sanction est importante, mais elle ne peut pas se passer d’un accompagnement éducatif : on ne peut pas envisager une répression sans prévention et éducation. Les mineurs, même s’ils ont entre 16 et 18 ans, sont encore éducables ! Dans mon cabinet, je vois plutôt des enfants. Mais je vois se poser, déjà, la question de la prévention. Quand on veut faire quelque chose pour eux, on n’a pas de lieux, ou l’attente est trop longue. Il faut créer plus de souplesse dans le système, afin de trouver des solutions sur mesure. Nous sommes coincés !

Quand un enfant commet une petite bêtise, les juges donnent des réponses, mais elles sont très lentes à être mises en œuvre. Trois mois, c’est trop long, pour un enfant. De la même manière, quand on a besoin de séjours de rupture, c’est tout de suite, pas dans deux mois ! Il y a une incapacité à répondre dans un temps qui est à la mesure de celui des enfants.

Il faut imaginer d’autres prises en charge. Nous aimerions avoir l’occasion d’y réfléchir avec tous les professionnels de l’enfance et de l’adolescence.

Les jeunes de 16 à 18 ans ne sont-ils pas plus mûrs aujourd’hui, ce qui serait une raison de leur appliquer des sanctions équivalentes à celles infligées aux adultes ?

 Si on est adulte pour les délits, alors on l’est pour le reste. Pourquoi ne pas discuter de l’âge de la majorité, en France ? C’est un débat de société intéressant, plus large que celui de la seule majorité pénale. Mais on ne peut pas décider que seuls les jeunes délinquants de 16 à 18 ans sont majeurs, alors que les non délinquants du même âge ne le sont pas. Cela ne donne pas très envie à la jeunesse d’accéder à la majorité.

Propos recueillis par Cécile Maillard
(le mercredi 27 juin 2007)