Position de l’AFMJF - Janvier 2014

Pour une prise en charge cohérente et à plusieurs niveaux d’intervention

Au moment où se célèbre l’anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, où la France vient de rendre son rapport au comité de l’enfance de l’ONU au moment où le défenseur des droits et le collectif associatif à l’initiative de DEI France entament la rédaction de rapports alternatifs, au moment ou ,dans les suites de la convention de Lanzarotte, il est fortement question que l’année 2014 soit celle de l’ enfant victime de maltraitance, l’AFMJF pense nécessaire de faire des propositions à des niveaux logiques différents et qui doivent être pensées comme la construction d’un système en interaction et en évolution constante.

Ces propositions sont faites à partir du constat assez simple :

  • de l’impossibilité dans la pratique judiciaire et éducative de proposer la moindre solution réellement protectrice à des enfants pris dans des réseaux criminels (mendicité prostitution vols) de la quasi absence de prise en charge éducative réellement adaptée pour les mineurs étrangers isolés et les mineur Rom délinquants, aux fins entre autres de mettre un terme à un taux de sur incarcération inacceptable, en pleine contradiction avec l’esprit de l’ordonnance de 1945 et nos engagements internationaux.
  • de la quasi absence de présence éducative pour des enfants vivant dans la grande précarité des bidonvilles, précarité renforcée de façon inacceptable par une politique d’évacuation et destruction des lieux de vie sans aucune coordination avec les services sociaux ou en tous cas sans véritable souci de protection pérenne(santé, scolarité)
  • De la stigmatisation grandissante et extrêmement préoccupante de la population Rom dans le discours politique et médiatique.
  • De la violence dans les rejets de prise en charge mais également dans les orientations et leurs modalités

Le constat était également le suivant :

  • Une absence de pensée politique interministérielle, l’action semblant se référer à une approche purement sécuritaire avec le paradoxe que la lutte contre les organisations mafieuses n’est pas affichée comme une priorité, alors pourtant que les enjeux à un niveau démocratique nous paraissent essentiels.
  • Un désengagement constant de l’État au plan financier depuis 15 ans au préjudice des conseils généraux en ce qui concerne les mineurs en danger mais également de la protection judiciaire de la jeunesse en ce qui concerne les mineurs délinquants. La circulaire Taubira en date du 31 mai 2013 vient enfin, quoique timidement, rompre avec ce désengagement de l’État.
  • Une absence de solidarité entre les départements et une grande hétérogénéité, voire inégalité dans les prises en charges, particulièrement au niveau de la délivrance de contrats jeunes majeurs
  • Une situation particulièrement dramatique pour les mineurs étrangers dans le département de Mayotte : la situation des mineurs étrangers est emblématique de l’absurdité du désengagement de l’État mais également du conseil général dans un contexte géopolitique particulièrement explosif : en effet la circulaire Taubira ne s’applique pas dans ce département, alors que cela concerne 4000 mineurs et qu’il n’y a pas un seul foyer de l’aide sociale à l’enfance.
  • Une application incohérente et destructrice des efforts financiers et éducatifs des conseils généraux , par les préfets de la circulaire de 2012 permettant la régulation des situations administratives au moment de la majorité, entraînant de fait un découragement et désinvestissement progressif généralisé des différents acteurs (policiers et magistrats éducateurs de la PJJ) et de l’ASE de plus en plus découragés par le peu de résultats tangibles au vu de l’énergie déployée,
  • Une application et une interprétation des textes de lois extrêmement diverse par les magistrats du siège pouvant aboutir à des pratiques très discutables (détermination de la minorité, caractérisation du danger, appréciation de l’isolement et pratiques contradictoire dans la détermination des statuts juridiques après une évaluation faite par le juge des Enfants.

I- Premier niveau :

La lutte contre les filières et les organisations criminelles doit être une priorité du gouvernement clairement affichée au vu l’importance des enjeux démocratiques (et pas seulement en ce qui concerne la protection de l’enfance). Pour cela il nous apparaît qu’il devrait y avoir une direction de la police nationale qui soit dédiée à cette mission. En effet le travail de démantèlement des réseaux est un travail extrêmement difficile chronophage mais passionnant. S’il est vrai que l’action policière n’a pas comme vocation première la protection de l’enfance il n’en reste pas moins qu’une articulation en amont des actions visant à des arrestations doit être obligatoire et disposer pour ce faire de lieux de vie sécurisés (on peut tout à fait s’inspirer du modèle belge et du modèle italien. Ces lieux doivent être non seulement sécurisés mais aussi être adossés à un système juridique sur le modèle des repentis adultes avec des garanties de pouvoir bénéficier de l’anonymat des lieux de résidence, de possibilités de formation et de régularisation administrative. Le changement de nom devrait être également possible.il convient toutefois de rappeler ici que selon les observations générales numéro six (2005) du comité des droits de l’enfant à sa 39e session, les mineurs pris dans des réseaux d’exploitation et de traite ne devraient pas être considérés comme des délinquants, mais comme des victimes. Un mineur ne saurait se repentir d’un délit auquel il a été contraint !!!selon cette même observation ces enfants devraient recevoir une assistance en tant que victimes d’une grave atteinte à leurs droits fondamentaux. Certains enfants victimes de traite pourraient être admissibles au bénéfice de réfugiés en vertu de la Convention de 1951 et les Etats devraient veiller à ce que les enfants séparés ou non accompagnés, victime de traite qui souhaitent demander l’asile, ou au sujet desquels on dispose d’indications selon lesquelles des besoins de protection internationale existent, aient accès à la procédure de demande d’asile.

II- Deuxième niveau :

Concernant les mineurs le délinquants moins clairement demandeurs d’intervention de protection car pris plutôt dans des réseaux familiaux et /ou informels, l’approche pénale coercitive au départ nous paraît paradoxalement plus adaptée comme permettant d’imposer des placements soit à titre provisoire soit au titre de la sanction , que ce placement soit assorti ou non d’une peine de prison ferme. Pour ce qui est des mineurs avec des degrés d’emprise variable, il nous apparaît que le recours à des lieux de vie pouvant s’adapter aux modes de vie de ses mineurs devrait être recherchés et mis en place. Il n’est pas inutile de rappeler qu’au début des années 2000 le directeur régional de la PJJ, Monsieur Longeron avait été chargé par le ministère de mettre en place un lieu sécurisé pour les mineurs délinquants à l’époque d’origine roumaine non Rom. Ce lieu de vie avait plutôt bien fonctionné à partir d’une bonne connaissance de la Roumanie et du mode de vie de ces mineurs. L’hostilité du conseil général et de la direction départementale de la PJJ ont eu malheureusement raison de cette expérience tout à fait intéressante.
S’agissant de sortie de prison le passage et la préparation par des centres fermés pourrait être un recours provisoire mais qui devrait rester exceptionnel.

III- Troisième niveau :

Une action sur et dans les bidonvilles de la région parisienne. En effet le constat est assez simple ; ces enfants vivent dans une grande précarité matérielle et ne sont pratiquement pas scolarisés ; si ça et là une présence médicale ou sociale de certaines municipalités existe, leurs actions peuvent être mises à néant par une politique D’évacuation croissante menée par le ministère de l’intérieur. Les actions éducatives et médicales sont brutalement interrompues et le contact si difficile à établir, souvent définitivement rompu. Il s’agit là d’une population essentiellement Rom soi-disant inaccessible à toute intervention éducative. L’expertise d’une association comme Hors la Rue démontre largement que ceci est de l’ordre du mythe que l’on peut imaginer entretenu à des fins politiques. La mise en place de mesures administratives type AED des mesures d’évaluation type MJIE ou des actions éducatives en milieu ouvert au titre de l’enfance en danger par des équipes spécialisées nous paraissent peut être pour l’instant prématurées. Il paraît en revanche tout à fait possible de mettre en place une équipe d’éducateurs spécialisés particulièrement formés dans la question Rom et ce au niveau régional pour l’Île-de-France. L’expertise de Hors la Rue nous paraît ici tout à fait utile et utilisable. L’existence d’un tel service permettrait que le recours aux évacuations s’il ne s’avérait pas évitable puisse a minima être préparé avec les services du conseil général et surtout accompagné avec une recherche de continuité dans le suivi médical et scolaire.
La circulaire Taubira en date du 31 mai 2013 sur les mineurs isolés étrangers constitue une avancée indéniable mais timide dans un début d’articulation entre l’État et les Départements.

L’AFMJF indique que cette circulaire a le mérite d’imposer une réflexion interministérielle pluri-institutionnelle et de poser le principe d’une prise en charge nationale. Le comité de suivi national devrait permettre d’éviter une grande disparité d’approche d’où l’importance de la mise en place d’un groupe de travail sur cette question en incluant notamment le devenir des mineurs non pris en charge par les départements d’affectation.
De ce fait l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille s’est engagée à participer activement au comité de suivi national sous la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

Proposition de comité de suivi départemental :
Nous proposons dans chaque département de d’arrivée ou se fait l’évaluation une extrême vigilance dans la participation de la juridiction à un comité de suivi sur les effets de l’application de la circulaire : Le comité de suivi devra associer les magistrats du parquet, du siège, les cadres de l’aide sociale à l’enfance et les associations chargées de l’évaluation et de la prise en charge de ces mineurs 

Proposition pour un processus de prise en charge

1) En cas de jeune âge avéré : moins de 16 ans
Les mineurs isolés, les garçons et les filles de moins de 16 ans, doivent être mis à l’abri dans une structure éducative. En cas de saturation du dispositif, ils ne devraient pouvoirs être hébergés à l’hôtel qu’à titre exceptionnel, et doivent bénéficier d’un accompagnement éducatif en milieu ouvert, spécialisé de préférence. Le délai de cinq jours nous paraît ici globalement suffisant ; l’évaluation de la minorité et de l’isolement doit être confiée à une équipe particulièrement formée dépendant soit de la PJJ soit du conseil général soit d’une association habilitée qui a cinq jours pour la réaliser.

Dès que le rapport d’évaluation est terminé, il doit être transmis à la Cellule de recueil des informations préoccupantes ( CRIP ) qui le transmet au Procureur de la République .
Pour ces mineurs la question de l’expertise d’âge ne doit pas se poser. Les questions de la validité des papiers doit être faite dans un délai raisonnable selon les équipements de chaque département mais en tout état de cause, le délai nécessaire ne doit pas retarder l’orientation de ces jeunes conformément aux dispositions de la circulaire. Les résultats de la vérification des papiers seront transmis au département d’affectation. La question de l’identité réelle et du degré d’isolement seront approfondies tout au long de la prise en charge

Si, dans le délai de cinq jours, le Procureur de la République retient la minorité, le lieu de placement du jeune est décidé en accord avec la cellule nationale selon le principe d’une préconisation de répartition nationale. L’AFMJF préconise une évaluation qui prenne en compte les attaches, mêmes fragiles créées par le mineur sur son lieu d’arrivée pour envisager l’orientation géographique.

2) En ce qui concerne les mineurs manifestement plus âgés (16ans et plus)
En cas de doute sur l’âge (incertitudes sur la minorité) et sur les papiers (documents manifestement faux, grossièrement falsifiés, documents authentiques mais non attribuable aux mineurs présumés) :
L’évaluation ne peut être raisonnablement être achevée dans le délai de 5 jours, le Procureur de la République prend une ordonnance de placement provisoire confiant le mineur au conseil général et il saisit le juge des enfants à réception de l’évaluation.

Lorsque le Procureur de la République reçoit l’évaluation qui ne conclut pas en faveur de la minorité et de l’isolement du jeune, il sollicite dans une grande majorité de cas une expertise d’âge osseux dont il suit systématiquement le résultat. Si le parquet lève le placement en considérant le jeune comme majeur, les services chargés de l’évaluation remettent au jeune une feuille lui indiquant la possibilité d’une saisine directe du juge des enfants ( article 375 du code civil alinéa 1 ) ainsi que les références des organismes de droit commun ( 115 ) et des associations qui peuvent l’aider.
Lorsque le juge des enfants est saisi directement par le jeune, le greffe lui remet une convocation dans les 48 heures, en présence d’un interprète si nécessaire, et se fait communiquer l’ensemble des éléments d’information réunis. Le juge des enfants apprécie la suite à donner.

La position actuelle de l’A FMJF est d’ordonner le placement si le rapport circonstancié d’évaluation conclut à la minorité et à l’isolement du jeune. Les juges des enfants ne sollicitent pas de détermination de l’âge osseux et se réservent la possibilité de faire authentifier les papiers ce qui se réalise dans des délais variables de15 jours par le bureau des fraudes documentaires de la PAF de Paris, de cinq à 10 jours en Ille-et-Vilaine, et de plusieurs semaines dans d’autres départements.
Si le juge des enfants ne déclare pas ce jeune comme mineur et isolé, il rend un jugement d’incompétence avec la formule expliquant la voie de recours qui est d’interjeter appel.

Les difficultés actuelles qui se posent aux juges des enfants :
l’évaluation de la minorité pose des difficultés : en particulier lorsque les jeunes se présentent en produisant un acte d’état civil authentique, qui le déclare mineur, mais ce document n’ayant pas de photo n’indique pas dans quelles circonstances il a été remis, ce qui ne permet pas de faire le rapprochement entre la personne et l’acte.
En ce qui concerne ces papiers d’identité, tout d’abord, l’appréciation de l’authenticité des documents d’état civil devrait être établie conformément aux prescriptions fixées par l’article 47 du code civil c’est-à-dire que dès que la personne fournit un acte de naissance authentique relayé par un passeport ou une carte d’identité du pays, ces papiers font foi.

L’AFMJF estime indispensable, pour la réussite de cette circulaire, une plus grande implication du Ministère de l’Intérieur pour vérifier l’authenticité des papiers, pour réaliser un travail sur les filières ( économiques ) et pour approfondir un travail sur les traites des être humains ( prostitution, mendicité, délinquance) permettant de garantir une protection particulière pour ces personnes.

L’AFMJF estime de même incontournable l’implication du Ministère des Affaires Etrangères pour la vérification des “ vrais faux papiers “ , impulsant ainsi un travail avec l’ambassade de France des pays les plus concernés d’autant qu’un certain nombre de consulats en France délivrent des cartes consulaires avec photo sur la base d’un simple document d’identité sans autre vérification.

L’apparence physique ne nous parait pas être un élément objectif d’appréciation mais semble être plutôt comme une source d’arbitraire.
Selon l’AFMJF l’expertise d’âge ne devrait être ordonnée qu’à titre exceptionnel. Nous demandons instamment que lorsque le juge des enfants a pris une ordonnance de placement provisoire ne puisse pas y avoir d’expertise d’âge osseux. Seule la voix d’appel est recevable.
Il convient de rappeler ici les observations finales du comité des droits de l’enfant de l’O N U à la France en date du 12 juin 2009 : observation numéro 87 : le comité note également avec préoccupation que, malgré l’avis négatif du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, l’État partie continue de recourir à l’examen osseux pour déterminer l’âge des enfants.

Le défenseur des droits avait déjà précisé le caractère aléatoire des expertises d’âge osseux et d’ailleurs, plusieurs parquets ne les pratiquent pas ou de façon exceptionnelle
Conformément à l’observation 88, le comité renouvelle sa recommandation précédente et demande instamment à l’État partie d’introduire des méthodes récentes de détermination de l’âge qui se sont avérées plus précises que les examens osseux actuellement utilisés, notre association
L’AFMJF a depuis longtemps demandé à ce qu’il y ait une information sur l’état des recherches médicales et sur la fiabilité de cette expertise reposant sur une méthode qui est très contestée.
Sur ce dernier point la direction de la protection judiciaire de la jeunesse nous a fait parvenir l’avis du Haut conseil de la santé publique en date du 23 janvier 2014.

Nous pouvons retenir parmi les recommandations du Haut comité de santé publique la recommandation numéro six :
L’évaluation de l’âge pubertaire n’est pas indispensable et ne permette pas de fixer un âge d’État civil. Afin de contourner les problèmes éthiques liés à l’examen des organes génitaux le Haut conseil recommande exclusivement l’utilisation des plaquettes représentant les différents stades de maturation pubertaire de Tanner. Le jeune procède ainsi à une auto estimation de son stade de maturation pubertaire en fonction des dessins représentés sur cette plaquette.
Et surtout la recommandation numéro sept :
La détermination d’un âge osseux ne permet pas de déterminer l’âge exact du jeune lorsqu’il est proche de la majorité légale. La détermination d’un âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire
Recommandation numéro huit aucune méthode à elle seule ne peut scientifiquement donner un âge précis. La confrontation des données récoltées lors de l’examen médical est recommandée. Cet examen sert à détecter des arguments médicaux de fortes probabilités de minorité. Le médecin doit se prononcer sur la compatibilité entre l’âge allégué et l’âge estimé. Le bénéfice du doute sur la majorité doit toujours profiter au jeune.
Enfin, le protocole ne prévoit pas, comme en matière d’assistance éducative, qu’à partir du moment où le mineur est capable de discernement, il peut faire le choix d’un conseil (article 1186 du code de procédure civile ).il convient de saluer la qualité des débats du comité de suivi de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et des commissions de travail. Il s’agit là d’une avancée majeure dans l’échange de points de vue ; l’aspect financier ne paraît pas paradoxalement être le principal enjeu. L’ensemble des participants déplore l’absence dans les commissions de travail de représentants du ministère de l’intérieur et du ministère des affaires étrangères. L’application aléatoire et rarement bienveillante de la circulaire du 28 Novembre 2012 par les préfets apparaît comme un véritable point de rupture avec l’État et revient souvent dans des discussions.

Malgré la très grande qualité les débats nous sommes amené à formuler un certain nombre de critiques 

  • L’AFMJF dénonce le caractère paradoxal en ce qui concerne l’engagement financier de l’État prévu par la circulaire Taubira : en effet l’engagement financier de l’État porte sur le financement des cinq jours d’évaluation qui dans le code des familles et de l’Aide sociale à l’enfance relève très clairement du conseil général.
    Au delà de ce paradoxe pour le moins surprenant nous pensons inévitable de revoir la question de la durée de l’évaluation et de son financement.
    En effet pour donner toutes les chances d’application cette circulaire il paraît réaliste de revoir le délai de cinq jours qui se révèle à l’évidence beaucoup trop court pour de bonnes conditions d’évaluation tant de la minorité que de la nature des isolements des mineurs, que leur implication dans des filières voire dans des traites. C’est dans ces conditions que l’AFMJF demande que l’évaluation de la minorité et de l’isolement s’appuie sur une approche très rigoureuse à partir d’une plate-forme régionale, ou du moins territoriale selon l’importance du nombre des mineurs isolés sur certains territoires. Cette plate-forme doit être pluridisciplinaire (psychologues éducateurs assistants sociaux et psychologues ou ethnopsychiatres etc.) ce qui permettrait un traitement plus égalitaire sur le territoire national Des policiers pourraient être rattachés à ces plate formes et pourraient être des liens précieux avec les bureaux de contrôle des fraudes avec les policiers de liaison des ambassades des pays concernés avec les services chargés du démantèlement des filières et de la protection des enfants contre les traites. Les services chargés de l’évaluation dans ces plate formes seraient distincts des services hébergeant les mineurs présumés pendant cette période de façon à ne pas fausser l’observation des lieux d’accueil.

Cette approche rigoureuse permettrait d’éviter que des délais trop longs entraîné par des délais d’expertises, des délais d’audience déraisonnable à des délais d’appel importants aboutissant de fait pour les mineurs proches de leur majorité, à se voir privés de toute prise en charge éducative de toute chance d’insertion professionnelle de toute chance de régularisation. De façon provocatrice on pourrait parler d’une véritable fabrique extrêmement couteuse de futurs clandestins.
Tout au long de cette évaluation le mineur devrait pouvoir bénéficier d’un administrateur ad hoc et d’un avocat spécialisé. En effet :
Au final il faut bien avoir à l’esprit que les magistrats vont se trouver à prendre des décisions à partir :
premièrement une expertise d’âge osseux plus qu’incertaine : le dernier avis du Haut comité de santé publique en date du 23 janvier 2014 démontre bien que le taux d’incertitude s’accroît autour de la question de la majorité
deuxièmement à partir de papiers le plus souvent authentiques mais non attribuable avec certitude aux mineurs présumés
troisièmement avec une évaluation pluri disciplinaires du récit et du parcours du jeune
quatrièmement à partir de l’évaluation des lieux d’hébergement (comportement, engagement dans des démarches, mises en contact avec la famille etc.)
Ce qui revient à dire que les magistrats ont à prendre des décisions difficiles à partir d’un faisceau plus ou moins convergent de doutes et de rapports éducatifs et que la présence des avocats apparaît ici essentielle.
En cas de rejet le mineur considéré comme majeur devra bénéficier des voies de recours et des orientations possibles vers le droit commun (115). Là encore la présence d’un conseil apparaît essentielle.

En cas d’admission :
L’évaluation par les plates-formes qui ne devrait pas excéder une durée six semaines à deux mois devrait permettre à l’Aide Sociale à l’Enfance de faire une orientation dans des conditions acceptables afin d’éviter l’attente du jeune et son lot d’angoisses.
Le conseil général aurait ainsi une évaluation fiable des mineurs et de son isolement permettant d’envisager rapidement ou pas un autre statut juridique (délégation de l’autorité parentale demande d’asile ou tutelle). L’État prendrait donc en charge financièrement les frais de cette évaluation hébergement compris pendant cette période.
Selon nous ces plates-formes d’évaluation devraient être sous le contrôle de la protection judiciaire de la jeunesse conformément à son pouvoir régalien d’investigation
Nous ne faisons ici que reprendre ici les conclusions du rapport du préfet de région, M. Landrieu (17 juin 2003), rapport auquel l’AFMJ.F. avait fortement contribué et qui nous paraît plus que jamais d’actualité, du rapport de mai 2010 de la Sénatrice Isabelle Debré, et enfin de la recommandation numéro sept du défenseur des droits en date du 19 décembre 2012.

Pour l’AFMJF
Marie José MARAND-MICHON
Evelyne MONPIERRE
Hervé HAMON