Position de l’AFMJF sur l’exécution des décisions de justice pénale - sept. 2007

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Position de l’AFMJF sur l’exécution des décisions de justice pénale

Position de l’AFMJF sur l’exécution des décisions de justice pénale

(Audition devant la mission parlementaire d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale le 27 septembre 2007)

La délinquance des mineurs se développe d’une manière distincte de celle des majeurs,
elle recouvre des réalités diverses mais, le passage à l’acte, quelle que soit sa nature, porte
toujours l’empreinte de l’immaturité de son auteur.
La société des adultes assume une responsabilité éducative à l’égard des plus jeunes,
d’autant plus quand ils rencontrent des difficultés dans leur construction personnelle et dans
leur insertion sociale.

C’est pourquoi, la justice des mineurs remplit, dans la complémentarité, les missions
de protection de l’enfance en danger et le traitement de la délinquance juvénile.

C’est aussi pourquoi, les réponses apportées à la délinquance des mineurs doivent être
spécifiques pour être justes et efficaces.

La succession récente de réformes législatives n’a pas tenu compte de ces à priori,
pourtant incontournables, soit en contestant l’existence même de ce qui distingue
fondamentalement les mineurs des majeurs soit en omettant toute référence à la justice des
mineurs.

C’est ainsi que le droit pénal des mineurs tend à s’aligner sur le droit des majeurs et
que des atteintes fortes sont portées au principe de la spécialisation de la justice des mineurs.
Ces observations générales concernent tout l’équilibre du système et plus
particulièrement la question de l’exécution des décisions pénales.

La Loi du 9 mars 2004 a confié au juge des enfants les compétences du juge de
l’application des peines pour l’exécution des peines applicables aux mineurs.

L’AFMJF s’est toujours montrée favorable à cette réforme dans la mesure où elle
améliorait la spécialisation des acteurs de la justice des mineurs et à la condition qu’elle reste
fidèle aux principes fondateurs du droit des mineurs.

A la lueur de l’expérience, encore récente, on peut considérer comme positive
l’implication des juges enfants au sein des lieux d’incarcération des mineurs et dans le suivi
des peines d’emprisonnement ferme.

Par contre, on peut regretter les dispositions procédurales applicables aux majeurs
aient été transposées aux mineurs, sans tenir compte de la souplesse nécessaire pour
construire des projets éducatifs adaptés dans le cadre d’aménagements de peines ou
d’alternatives à l’incarcération.

Les structures éducatives habituées à accueillir des adolescents se trouvent en
difficulté pour intervenir dans le cadre de l’aménagement d’une peine d’emprisonnement. Il
reste fastidieux, pour les structures PJJ de construire des habitudes de travail avec la prison.
La formation des professionnels de la pénitentiaire et des éducateurs de la PJJ est à ce titre
insuffisante.

En milieu fermé, on constate une quasi absence de places de semi liberté pour un
mineur.

De même il n’existe pas de structures spécifiques pour mettre en place la mesure de
placement à l’extérieur.

Il reste que les juges des enfants s’interrogent sur le sens et la pertinence de telles
mesures pour un mineur : en effet, un mineur peut- il comprendre le fait d’être écroué dans un
établissement pénitentiaire et de purger sa peine dans un foyer éducatif ?

Au sein de juridiction, le bilan de l’efficacité de la chaîne pénale est contrasté.

Ainsi, on constate une meilleure efficacité et un gain de cohérence quand le service de
l’exécution des peines concernant les mineurs est confié à la section spécialisée mineurs du
parquet et non pas au service général de l’exécution.

La notification à l’audience des mesures de probation et des peines de travail d’intérêt
général facilite le circuit et le suivi des dossiers.
Ce bilan relativement positif, s’agissant de l’exécution des peines dans les tribunaux,
est largement tempéré quand on s’intéresse à la mise en oeuvre effective de la majorité des
décisions rendues par la justice pénale des mineurs. Il s’agit des mesures éducatives (liberté
surveillée, réparation par exemple) et de mesures pénales exercées en milieu ouvert (contrôle
judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve1…).

1 Le suivi des peines restrictives de liberté (SME) demeure encore trop peu soutenu, en particulier quand il est confié à un service
pénitentiaire d’insertion et de probation pour les jeunes majeurs. En effet, l’attention de ces services devrait être appelée sur la nécessité
d’un suivi plus étroit de cette population afin d’assurer le soutien dont ces jeunes ont encore particulièrement besoin dans le cadre de leur
insertion sociale et professionnelle, sur l’intérêt de la présence du service à l’audience du juge des enfants, sur la nécessité de rapports
semestriels adressés au juge.

A ce sujet, dans de nombreux ressorts très urbanisés où la question de la délinquance
des mineurs est considérée comme prioritaire, le manque de moyens est structurel.

Du fait de cette carence, l’autorité de la justice se trouve décrédibilisée, le risque de
récidive est aggravé, et le souci du déroulement d’une procédure à un rythme cohérent
empêché.

Ainsi par exemple, à ce jour, les mesures judiciaires confiées aux services de la PJJ
sont portées sur des « listes d’attente » pendant 6/8 mois à Saint-Denis, 6 mois à Nanterre, 6
mois, au mieux, à Vénissieux, Evry ou Créteil…

Les mesures peuvent parfois demeurer en souffrance pendant une année, les dossiers
se trouver clôturer à leur échéance, sans que la mesure ait même démarré, le mineur peut être
devenu majeur avant la mise en oeuvre de la décision !

Les juges des enfants assistent impuissants à la déconstruction de leur travail et font
face aux reproches de familles inquiètes et non soutenues.
L’assistance éducative qui vise à protéger les enfants en danger, outils de prévention
de la délinquance essentiel, subit le même mal pour l’exécution des mesures d’investigation,
d’enquêtes sociales ou de milieu ouvert.

Enfin le manque de moyen concerne également les lieux de placement, quelle que soit
leurs caractéristiques (CER, FAE, Internats, foyers éducatifs…).

Suite à ce constat, on peut affirmer que l’extension des « bureaux de l’exécution des
peines » aux mineurs serait positive si elle s’accompagnait des moyens adéquats, en
particulier par l’attribution de postes de greffiers supplémentaires. Les éducateurs de la PJJ
doivent être impliqués, sans les soustraire à leurs missions premières de suivi des mineurs.

Il faudrait ainsi que les mineurs et les familles reçues dans le cadre du BEX repartent avec une date de rendez-vous rapide au service chargé de suivre la décision pénale.

C’est à ces conditions qu’un bilan des réponses apportées par la justice des mineurs
pourra être fait.